Dans sa lutte pour la protection de la vie privée de ses utilisateurs, Apple a décidé de s’attaquer au tracking et à la surveillance des emails. La technique est simple et éprouvée : télécharger les images présentes dans les emails dans un cache avant de les restituer aux utilisateurs de son application Apple Mail. Mais quelques détails donnent des sueurs froides à pas mal de monde. Badsender fait une analyse complète de ce nouveau défi pour les emails marketers.
Mises à jour :
- 28/09/2021 : ajout du replay du live +maj date sortie
- 01/11/2021 : mise à jour évolution adoption iOS15
- 29/12/2021 : mise à jour de l’évolution de l’adoption d’iOS15 et de AMPP + correction de coquilles
- 20/05/2022 : mise à jour suite à la sortie de l’étude MovableInk
Notre live du 23/09/2021 :
Table des matières
- Introduction
- Apple « Mail Privacy Protection », qu’est-ce que c’est et pourquoi c’est important pour les emails marketeurs ?
- Et c’est pour quand ce « cataclysme » ?
- Comment gérer l’arrivée d’iOS15 ?
- Évaluez l’impact sur votre stratégie emailing
- Faites évoluer vos indicateurs de performances
- Changez votre segmentation des actifs/inactifs
- Modifiez vos relances et scénarios basées sur l’ouverture
- Transformez vos pratiques de Test AB
- Modifiez votre monitoring délivrabilité
- Oubliez… ou presque, le temps réel dans l’email
- Contourner la protection ?
- Badsender vous aide : Diagnostiquez vos messages !
Introduction
Il existe un mouvement de fond qui est en train de s’installer dans le (pas si) petit monde de l’email marketing. Ce mouvement, ce sont les restrictions grandissantes sur le tracking des emails et plus particulièrement sur le traçage des ouvertures.
Depuis décembre 2013, Gmail « cache » les images contenues dans les emails, en mars 2018, c’était Yahoo! qui rejoignait le mouvement. Sans parler des quelques autres webmails et clients email plus confidentiels qui se sont fait une spécialité de protéger la vie privée de leurs utilisateurs (Hey, ProtonMail, …) ou des extensions permettant de bloquer le tracking (Ugly Email, PixelBlock, …).
Revenons un instant sur cette histoire de « cache » des images. Un cache en informatique, fait référence à la « mémoire cache », c’est une copie temporaire de données afin d’en faciliter un prochain accès. Quand Yahoo! et Gmail mettent les images en cache, ça veut dire qu’ils téléchargent ces données, les stockent sur leurs propres serveurs pour pouvoir les « servir » aux utilisateurs de leur webmail. L’idée maîtresse est de garantir une meilleure sécurité, les images en cache pouvant être analysées par exemple par un anti-virus.
Ces images mises en cache bloquent certains usages marketing :
- Pas de géolocalisation : ce sont toujours les mêmes IPs de Google et Yahoo! qui téléchargent les images d’origine
- Pas de possibilité de connaître précisément l’environnement d’ouverture (version desktop, version mobile, iOS vs Android, …) sur ces deux fournisseurs d’adresse email
Nous pourrions aussi vous parler un petit peu de la fin des cookies tiers, mais comme c’est une longue histoire, nous allons nous abstenir. Parce qu’en fait, le vrai débat du moment, ce sont les changements qu’Apple apporte dans Apple Mail avec l’arrivée d’iOS 15.
Mais avant ça, petite pause « vulgarisation » sur le tracking des ouvertures d’un email.
Comment sont suivies les ouvertures d’un email ?
Pour calculer qui ouvre un email, les solutions de gestion de campagne introduisent ce que l’on appelle un pixel de tracking dans les emails envoyés. Cela veut dire que dans chaque email, une petit image d’un pixel carré est introduite. Dans le lien de cette image, on va retrouver un identifiant qui permet de savoir qui est le destinataire et quelle est la campagne en question.
Lorsque le destinataire de l’email va ouvrir celui-ci, le pixel de tracking se télécharge en même temps que les images, ce qui va envoyer un « signal » à votre outil de gestion de campagne. Ce dernier saura alors quel email a été ouvert, par quel destinataire, à quel moment, par quelle adresse IP et éventuellement par quel « user-agent » (navigateur web, application, …).
Cela veut dire aussi que si les images ne sont pas chargées (ce qui arrive par exemple dans l’application Outlook), votre routeur email ne sait pas que l’email a été ouvert et ne peut déduire aucune des informations précédemment citées.
Apple « Mail Privacy Protection », qu’est-ce que c’est et pourquoi c’est important pour les emails marketeurs ?
Le 7 juin, dans un communiqué de presse et lors de la conférence WWDC21, Apple jetait un très gros pavé dans la marre de l’email marketing :
Dans l’app Mail, la Protection de la confidentialité du courrier empêche la personne qui envoie l’e-mail d’utiliser des pixels invisibles afin de collecter des informations sur le ou la destinataire. Cette nouvelle fonctionnalité empêche de savoir quand une personne ouvre un e-mail, et elle masque l’adresse IP de cette dernière, ce qui empêche de la lier à son activité en ligne ou de déterminer sa localisation.
Ok. Mais donc, il se passe quoi qui justifie de générer des centaines d’articles depuis cette annonce ? Fidèle à sa stratégie de champion de la vie privée, Apple a décidé avec iOS15 de s’attaquer (entre autre) à la protection des emails de ses utilisateurs.
Les utilisateurs vont pouvoir choisir entre « Protéger votre activité email » ou … pas ! Avec un tel vocabulaire, il y a fort à parier qu’une grande partie des utilisateurs vont choisir la première option.
Une fois l’option cochée, Apple activera une série de protections principalement ciblées sur les images contenues dans l’email et sur les pixels de tracking.
Deux informations absolument déterminantes sont à retenir pour comprendre l’ampleur de cette évolution.
La mise en cache ne se fait pas nécessairement au moment de l’ouverture
Contrairement à Gmail et Yahoo!, le cache d’Apple ne téléchargera pas nécessairement les images au moment de l’ouverture. C’est bien ce qui inquiète tout le monde. Dans certains cas, les images sont téléchargées à la réception, dans d’autres… un peu plus tard… et dans d’autres, encore, au moment de l’ouverture.
Cela veut dire que pour TOUS les utilisateurs qui auront activé « Mail Privacy Protection » dans Apple Mail, vous ne pourrez plus croire les statistiques d’ouvertures dans vos rapports de campagnes email.
Cela veut aussi dire une impossibilité de géolocalisation (comme pour Gmail et Yahoo!) et que vous ne pourrez plus faire la distinction entre Appel Mail sur iPhone, iPad et MacOS.
Si vous désirez approfondir les aspects techniques de la mise en cache, n’hésitez pas à lire cet article très fouillé de Justin Khoo sur Freshinbox.
Plus de la moitié de vos destinataires sont concernés
Apple Mail représente 57% des ouvertures d’email au niveau international (mai2022, https://emailclientmarketshare.com/), c’est le plus utilisé des clients email devant Gmail à 29%. En mai 2022, les ouvertures « Apple Mail Privacy Protection » représentent quasi la totalité des ouvertures Apple Mail.
Il est aussi à noter que les utilisateurs d’Apple Mail utilisent l’application avec toute sorte d’adresses email, pas uniquement avec iCloud d’Apple. Cela veut dire que les adresses gmail.com, outlook.com, yahoo.fr qui se trouvent dans vos bases de données peuvent utiliser Apple Mail et donc être concernées.
Et c’est pour quand ce « cataclysme » ?
iOS 15 a été lancé officiellement le 20 septembre 2021. Le cataclysme est déjà là 😉
Deux mois après le lancement d’ios15, celui-ci dépassait iOS14 en nombre d’installations. Le 20 mai 2022,le taux d’installation d’iOS 15 représente 85%. N’hésitez pas à suivre l’évolution de l’adoption d’iOS15 via ce rapport de Mixpanel : https://mixpanel.com/trends/#report/ios_15
Est-ce vraiment un cataclysme ?
En octobre 2021, Movable Ink a sorti une étude “Movable Ink Research: Analysis of iOS 15 Content Caching” qui a été mise à jour fin avril 2022. Résultat de l’étude : pour ~ 85 % des destinataires d’Apple Mail iOS 15 pour lesquels Mail Privacy Protection est activé, l’information d’ouverture restituée aux outils de routage se situe entre le temps réel et moins de deux minutes par rapport aux autres clients de messagerie.
Conclusion : n’en fait-on pas tout un foin pour si peu ?
Méthodologie de l’étude
Movable Ink a mené une analyse sur les ouvertures d’images et les clics dans les emails depuis le 20 septembre 2021 pour comprendre les différences entre iOS 14 et iOS 15. Pour chaque interaction de l’utilisateur, Movable Ink enregistre les moments (jour, heure, secondes) d’ouvertures et de clics.
Movable Ink a calculé la durée entre l’événement « ouverture » et l’événement « clic » de chaque utilisateur. Ces durées représentent le temps écoulé entre le moment où l’utilisateur visualise l’email et celui où il clique dessus.
Résultats
Délai | Contacts iOS15 Apple Mail | Extrapolation au global sur une base clients type |
---|---|---|
< 2 minutes | 85% | 92% |
De 2 à 21 minutes | 5% | 2,6% |
De 21 à 144 minutes | 5% | 2,6% |
> 144 minutes | 5% | 2,6% |
Les routeurs vont-ils s’adapter ?
Oui ! Certains routeurs affichent le taux d’ouverture traçable, donc « hors » Apple Mail. Ensuite, ils extrapolent le taux d’ouverture en appliquant le taux d’ouverture traçables au total des emails délivrés.
Besoin d'aide ?
Lire du contenu ne fait pas tout. Le mieux, c’est d’en parler avec nous.
Comment gérer l’arrivée d’iOS15 ?
Évaluez l’impact sur votre stratégie emailing
Malheureusement, peu nombreuses sont les équipes CRM qui évaluent précisément leurs environnements d’ouverture. Comme Marion l’expliquait dans un article, il y a souvent une confusion entre les environnements d’ouverture et la répartition des noms de domaine. Les plateformes de gestion de campagne proposent rarement des chiffres précis sur le sujet. N’hésitez donc pas à tester quelques campagnes avec les outils d’analytics de Litmus ou d’Email On Acid afin de connaître précisément la part d’Apple Mail dans vos ouvertures.
Suite à une analyse pour notre client J&Joy, nous vous donnons un exemple de mesure du taux d’ouverture Apple Mail dans cet article. N’hésitez pas à nous demander une prestation de conseil emailing si vous désirez faire de même.
Faites évoluer vos indicateurs de performances
« Les » taux d’ouverture, qu’ils soient uniques (taux d’ouvreurs) ou non (taux d’ouvertures), mais aussi les taux de réactivité (CTOR ou nombre de clics rapportés aux ouvertures) vont être largement faussés.
L’indicateur le plus fiable de la performance brute d’un email était déjà le niveau de clic sur les emails délivrés. Ce sera encore bien plus le cas à l’avenir. Par ailleurs, si vous n’arrivez toujours pas à tracker vos conversions directement dans vos rapports de campagnes, il est temps d’investir.
Changez votre segmentation des actifs/inactifs
Être capable d’adapter la pression en fonction du niveau d’engagement de vos destinataires a été une priorité pour beaucoup d’entre-vous ces dernières années. Malheureusement, il faudra revoir l’ensemble de vos règles.
Il est en effet assez classique de définir un niveau d’activité en fonction de la date de dernière ouverture (ouvreurs 3 mois, ouvreurs 6 mois, …). Mais si le taux d’ouverture n’est plus fiable… il faudra sans doute passer à autre chose.
Ça reste LA GRANDE question. Il faut à mon sens ajouter une notion de clics et d’activité web pour être au plus juste de la réalité. Les outils de routage captent toujours l’information d’ouvertures des autres environnements. Normalement, ils ont exclu de leurs stats les informations d’ouvertures provenant de l’environnement iOS15 et Monterey.
La définition des adresses endormies rassemble souvent les contacts n’ayant fait aucune ouverture dans les 6 derniers mois. On peut y ajouter : les contacts n’ayant jamais cliqué dans les 12 derniers mois OU les contacts n’ayant pas acheté dans les 24 derniers mois OU les contacts n’ayant pas visité le site web dans les 12 derniers mois.” pour être au plus proche de la réalité. Vous allez peut être être étonnés de la volumétrie obtenue. Mais n’est ce pas une volumétrie plus proche de la réalité ?
Il ne faut pas oublier qu’à partir de 6 mois ça devient dangereux de réactiver ceux qui n’ont jamais eu d’interactions et voir, soit pour les tester avec un outil de validation/de réactivation, soit avec une configuration IP/domaine qui a rien en commun avec tes envois de masse (au cas où) et sur un message bien spécifique.
Modifiez vos relances et scénarios basées sur l’ouverture
Les relances non-ouvreurs sont un classique pour beaucoup d’annonceurs qui veulent maximiser la visibilité de leurs messages. Que ce soit dans le cadre de vos emails « one-shot » ou de vos scénarios, il va falloir adapter vos pratiques.
Pour aller plus loin : N’hésitez pas à relire cet article de Marion sur les relances emails
Au niveau des scénarios, il est important de lister l’ensemble des triggers et filtres qui utilisent des événements d’ouverture. Pour chacun d’entre eux, il va falloir évaluer si une alternative est possible ou si vous pouvez vous permettre de laisser tel quel.
Transformez vos pratiques de Test AB
Si vous faites des tests AB (j’espère que vous en faites d’ailleurs, sinon demandez un petit coaching emailing) sur vos objets d’email, vous utilisez probablement le taux d’ouverture comme indicateur de performance. Alors, déjà, ça pouvait se discuter, mais sauf si votre routeur met en place un dispositif pour éliminer les ouvertures virtuelles d’Apple Mail, vous allez devoir vous rabattre sur le taux de clic (oui, même pour un test d’objet ;-)).
C’est d’ailleurs l’occasion d’aller un peu plus loin dans vos pratiques de test AB et faire des tests combinant variations d’objets et de contenu.
Modifiez votre monitoring délivrabilité
En délivrabilité, l’un des signaux les plus important afin de détecter qu’une campagne email fini en spam chez certains opérateurs est de regarder le taux d’ouverture par destination (ensemble de noms de domaines cohérents).
Avec ces modifications, ce chiffre va devenir beaucoup moins pertinent. Du côté des domaines Apple (icloud, me.com, …) on risque de voir une hausse importante des taux d’ouvertures. Hausse qui ne sera pas due à des vraies ouvertures et qui va empêcher de détecter les incidents de délivrabilité par ce biais. Sur les autres destinations, mais dans une moindre mesure, les taux d’ouverture vont probablement augmenter, mais de manière inégale.
Il faudra donc se rabattre sur d’autres indicateurs, comme par exemple les différents systèmes de seedlist du marché.
Oubliez… ou presque, le temps réel dans l’email
Comme on l’a vu plus haut, nous allons perdre les opportunités de géolocalisation dans l’ensemble des emails ouverts via Apple Mail. Cela veut dire que la météo en temps réel, la localisation d’un point de vente les plus proche, … deviendront impossible. Si on ajoute que c’était déjà compliqué pour Gmail et Yahoo!, l’intérêt de ces techniques devient très faible.
Les techniques liées au modification en temps réel d’une image (compte à rebours, changement en fonction de l’état du stock, …) vont elles aussi devenir plus compliquées à exploiter.
Alors à la question, faut-il encore afficher un compte à rebours dans ces emails ? On répondra non. Un bon “DERNIERS JOURS” est certainement tout aussi efficace.
Mais continuez à vous informer car des solutions alternatives sont envisagées (mais exclurons en partie les ouvreurs Apple Mail qui auront une version standardisée du contenu).
Contourner la protection ?
Comme toujours en email marketing (merci Outlook de nous avoir si bien éduqués), les premiers réflexes de la communauté sont de tester d’éventuels moyens de contourner la mise en cache des images dans Apple Mail.
On voit donc fleurir de nombreux tests pour valider si une image de fond planquée dans du CSS est victime de la mise en cache comme une image normale, si en utilisant du code ésotérique, on ne peut pas détourner l’attention du cache, …
Ces tentatives, si elles sont intéressantes d’un point de vue recherche et développement sont pour moi inopportunes.
D’une part, parce que tenter un contournement des protections mises en places par Apple ne fera que les conforter dans leur stratégie et ils auront tôt fait de boucher les trous.
Ensuite, et c’est plus grave, vous iriez à l’encontre du choix de l’utilisateur. S’il ne veut pas être tracké, s’il refuse de vous donner son adresse IP, … RESPECTEZ !
Badsender vous aide : Diagnostiquez vos messages !
Afin de vous accompagner dans ces changements, Badsender vous propose de réaliser un diagnostic de l’impact de l’arrivée d’iOS15 sur votre stratégie email marketing.
Ce diagnostic comprend :
- Une analyse de vos ouvertures sur une campagne (maximum 100.000 ouvertures) afin de connaître précisément l’environnement d’ouverture de vos destinataires (pour en savoir plus, n’hésitez pas à lire cet article)
- Une analyse des impacts sur votre stratégie emailing en fonction de vos pratiques.
- Un compte rendu des priorités et des actions à mettre en place
2 réponses
Bonjour, je m’interroge : les ouvertures d’emails ne seront plus identifiables lorsqu’un destinataire a activé la Mail Privacy Protection d’Apple mais vous semblez indiquer que les clics continuerons d’être identifiable. Cette métrique n’est-elle pas concernée ? Merci 🙂
Bonjour Mélanie,
En effet, « pour l’instant » les clics ne sont pas concernés. Ce sont surtout les ouvertures qui sont moins fiables encore que précédemment.
N’hésitez pas si vous avez d’autres questions.