Adrien Montagut-Romans est un des quatre cofondateurs de la coopérative Commown. Il est en charge de la communication au sens très large et des affaires publiques.
Commown, c’est de la location longue durée d’appareils électroniques plus éco-conçus et sans option d’achat. Commown est une coop, une société coopérative d’intérêts collectifs. Et à écouter Adrien, ça ne pouvait pas être un autre statut !
Il nous explique en quoi l’industrie du numérique génère des coûts sociaux, humains et environnementaux catastrophiques. Il nous explique pourquoi il vaut mieux louer un appareil plutôt qu’acheter en reconditionné. Il nous éclaire sur les points de vigilances à avoir en tête entre les 3 types d’alternatives à l’achat classique : l’achat reconditionné, la location avec obligation d’achat et la location sans obligation d’achat.
Comme beaucoup de professionnels ultra-engagés, il consacre une bonne partie de son temps (bénévolement) à essayer de changer structurellement le système. Il fait un gros travail de plaidoyer en portant les sujets du numérique dans des réunions gouvernementales.
Nous discutons de la façon de communiquer quand on a à coeur d’aligner parfaitement ses valeurs à son marketing et à sa communication.
Bonne écoute !
Liste des références citées pendant le podcast
- Épisode avec Mathieu Jahnich : https://www.badsender.com/2023/05/29/podcast-mathieu-jahnich/
- Telecoop : https://telecoop.fr/
- Épisode avec Marion Graeffly de Telecoop : https://www.badsender.com/2022/11/07/podcast-sobriete-marketing-marion-graeffly-telecoop/
- Fairphone : https://www.fairphone.com/fr/
- Halte à l’obsolescence programmé : https://www.halteobsolescence.org/
- GreenIT : https://www.greenit.fr/
- ARCEP : https://www.arcep.fr/
- ADEME : https://www.ademe.fr/
- Article sur les dumbphones : https://escapethecity.life/remplacer-smartphone-dumbphone-basique
- Alliance des licoornes : https://www.licoornes.coop/
- Collectif Fairtec : https://fairtec.io/fr/
- Loom : https://www.loom.fr
- Collectif en mode climat : https://www.enmodeclimat.fr/
- Loi économie circulaire : https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire
- Swapfiets : https://swapfiets.fr/
- GreenFlex : https://www.greenflex.com/
Cet enregistrement est disponible sur toutes les plateformes de podcast
La transcription texte du podcast enregistré avec Adrien Montagut-Romans, cofondateur de Commown
Marion Duchatelet – Badsender
Bonjour Adrien.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Bonjour Marion.
Marion Duchatelet – Badsender
Il y a deux personnes, que j’ai déjà reçues dans ce podcast, qui m’ont recommandé de t’interviewer. Il s’agit de Marion Graeffly, directrice de Telecoop et Mathieu Janhich, enseignant-chercheur en communication responsable. Merci Adrien d’avoir accepté de prendre de ton temps pour cet interview. Pour qu’on comprenne bien pourquoi c’est intéressant d’interviewer Commown, est-ce que tu peux commencer par dire qui tu es et ce qui remplit tes journées aujourd’hui ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Je suis un des quatre cofondateurs de la coopérative Commown. Je suis en charge de la communication au sens très large et des affaires publiques. À la base, je n’ai pas du tout une formation de communicant. J’ai un doctorat en chimie organique, donc ça n’a strictement aucun rapport. Si ce n’est que j’ai appris, par l’intermédiaire de mon diplôme, à vulgariser des sujets et les communiquer largement. Et donc, au quotidien, je vais travailler avec l’équipe com’ pour essayer de mettre en place une stratégie de communication sur nos différents canaux. Je travaille sur la rédaction des contenus de notre site web. Et, avec la direction, je travaille à développer les nouvelles stratégies associées à l’entreprise. Il y a toute la gestion de l’entreprise qu’on fait à quatre avec mes trois associés. Et puis, ce qui m’occupe beaucoup ces derniers temps, c’est un travail de plaidoyer où je vais dans des réunions gouvernementales de conception de l’indice de durabilité qui va remplacer l’indice de réparabilité. Des réunions de concertation sur le numérique, etc. Ça, c’est une grosse partie de mon temps de travail. On essaye de porter des propositions radicales dans ces sphères d’influence pour un peu contrebalancer l’inertie et le manque d’ambition du secteur. Mais on n’est pas tout seul. Il y a d’autres acteurs qui sont présents avec nous, qui portent les mêmes valeurs. Fairphone a rejoint la danse sur le sujet. On a Halte à l’Obsolescence Programme (HOP), Green IT, etc. Il y a d’autres acteurs que nous qui portent ces choses là dans ces réunions.
Marion Duchatelet – Badsender
Ok. Tu n’as pas présenté Commown ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Commown, c’est de la location longue durée, sans option d’achat, d’appareils électroniques plus éco-conçus. C’est à dire qu’on part du principe, que ce qui est à la source du renouvellement infernal des appareils, c’est l’obsolescence programmée et les dynamiques de surconsommation. L’électronique et le numérique ont un coût environnemental et social qui est vraiment énorme. Si vous avez écouté le podcast précédent avec Marion Graeffly, elle en a sans doute parlé. Donc, nous, notre postulat, c’est de dire que pour sortir de ce cercle vicieux là, il faut sortir de la vente. Parce que quand on vend des produits sur un marché qui est saturé, on a forcément un intérêt économique à ce que les gens achètent. Et donc, indépendamment du fait que les gens disposent d’appareils qui fonctionnent, on va pousser à leur faire acheter des appareils. Donc, on va mettre en place des stratégies d’innovation qui ne servent à rien, des stratégies marketing qui ne sont pas forcément plus utiles pour générer du profit. Et donc, nous, pour sortir de ça, on fait de la location sans option d’achat. Et donc, on propose le Fairphone, par exemple, en système d’abonnement où le client va disposer d’un système de prise en charge des pannes, des casses, de l’assistance à l’usage, la possibilité d’installer des logiciels open source pour s’affranchir des GAFAM, etc. Le but, c’est de vraiment faire durer les appareils le plus longtemps possible et on a un intérêt économique à le faire. Et le point commun avec TeleCoop, c’est qu’on est également une société coopérative d’intérêts collectifs. Ce qui fait que dans notre modèle, l’ensemble des parties prenantes peuvent être sociétaires et ont un droit de regard sur la gouvernance de la coopérative, ses finances, les marges que l’on fait, les niveaux de salaires qu’on s’octroie, etc. Ce qui fait que ça préserve l’intérêt des clients et des clientes. Ils ont le droit de vote à l’assemblée général. Ils peuvent avoir accès aux rapports d’activité, au bilan comptable, on intègre l’intérêt des clients dès la conception des offres tarifaires.
Marion Duchatelet – Badsender
C’est un podcast qui parle de sobriété et marketing, mais avant qu’on parle de marketing, est-ce que tu peux nous résumer le problème avec le numérique aujourd’hui ? J’ai l’impression que les citoyens sont paumés : est-ce qu’il vaut mieux acheter en reconditionné ou loué ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
C’est une très bonne question. Déjà, le problème dans le numérique aujourd’hui, c’est qu’on produit trop. Ça, c’est le problème de base. On produit excessivement trop d’appareils. Chaque production d’appareils entraîne des coûts environnementaux énormes, que ce soit de la production de gaz à effet de serre, de la consommation énergétique, de la consommation d’eau douce et de la consommation de matières premières. On a tous entendu parler de ces problématiques de métaux critiques ou de terres rares. Il y a aussi des enjeux d’approvisionnement, des enjeux diplomatiques qui sont associés à la production des produits électroniques. On a vu pendant la crise COVID, il y a eu des ruptures d’approvisionnement sur les semi conducteurs. Ça a mis à l’arrêt tout un nombre de secteurs industriels comme le secteur de l’automobile qui en dépend aussi. Donc, le numérique et l’industrie de l’électronique est une industrie qui n’est pas du tout résiliente et qui n’est pas du tout faite pour encaisser les crises systémiques qui vont advenir d’un point de vue climatique, puisqu’elle est mondialisée et qu’il y a des spécificités territoriales. La Thaïlande est un pays principalement producteur de disques durs. Taïwan, c’est le premier pays producteur des semi conducteurs. Et donc, s’il arrive des catastrophes climatiques dans ces pays là, ça met en péril l’industrie dans sa globalité. Or, il se trouve que ces pays sont situés dans des zones qui vont devenir un peu techniques dans les années qui viennent. Donc, c’est une industrie particulièrement polluante qui contribue au dérèglement climatique. C’est une industrie qui a des coûts sociaux et humains catastrophiques. Par exemple, en République démocratique du Congo, il y a ces mines d’or ou de coltan qui sont exploitées par des milices armées dans lesquelles il y a des enfants qui travaillent. C’est une industrie qui est vraiment sur un mode ultra linéaire où à la fin, les déchets d’équipements électroniques et électriques font l’objet d’un trafic. Ce qui fait qu’on a énormément de produits électroniques qui terminent dans des décharges à ciel ouvert dans des pays en voie de développement. Comme par exemple au Ghana, où il y a une énorme décharge, où les gens calcinent les ordinateurs en plein air pour essayer de récupérer le cuivre. Et enfin, on ne sait pas du tout recycler les appareils électroniques aujourd’hui. C’est un vrai sujet. C’est à dire qu’on n’est pas capables de récupérer l’intégralité de la matière première qui est constitutive des appareils qu’on a en circulation. Et donc ça, c’est très préjudiciable. Quand on fait le bilan de tous ces problèmes, on sait qu’il y a à peu près 80% des enjeux environnementaux qui sont situés sur la phase de production. Plus on produit, plus l’impact du numérique est pléthorique. Maintenant, pour répondre à la question « Est-ce qu’il vaut mieux acheter du reconditionné ou est ce qu’il vaut mieux louer ? » À titre individuel, c’est sûr que acheter un produit reconditionné, c’est quelque part lui donner une seconde vie. Par contre, quand on achète un produit reconditionné, on ne questionne pas la source du problème. Dans le sens où si on ne produisait pas autant d’appareils, on n’aurait pas des appareils à reconditionner. Dans le monde idéal, il faudrait que les appareils soient faits pour durer 20 ans et qu’on n’en change pas. Et donc, dans ce monde idéal, il n’y aurait pas de produits à reconditionner. S’il y a des produits à reconditionner, ça veut dire qu’on produit trop d’appareils. Maintenant, la location, ce n’est pas forcément mieux pour autant. Parce que si on est sur des modèles de location avec la promesse de toujours redisposer du dernier modèle qui sort, on va être sur des cycles de renouvellement qui vont être tout aussi similaires à ceux induits par la vente. Si on est sur des acteurs de la location qui, après un premier cycle de location, vendent les appareils sur le secteur du reconditionné, c’est la même chose. On va être aussi dans ces cercles vicieux de renouvellement des flottes. Donc ça va vraiment dépendre de ce qu’on met derrière le mot « location » et des acteurs qui le pratiquent.
Marion Duchatelet – Badsender
Donc, derrière, c’est la durée de vie du smartphone ou de l’ordinateur qui est importante. J’imagine que le modèle de Commown, c’est de la location longue durée sans option d’achat. Donc ça veut dire qu’on n’a pas la possibilité d’acheter l’appareil et on ne sera pas solliciter tous les deux mois par la version supérieure.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Tout à fait. Nous, nos offres tarifaires, elles sont construites, pour être dégressives sur cinq ans, pour inciter les gens à garder le même modèle. Si jamais ils changent de modèle après la fin de l’engagement qui est de un an, ils perdent l’avantage tarifaire de l’ancienneté. On est vraiment là pour les accompagner sur le même appareil le plus longtemps possible. Et après, quand les appareils nous reviennent, s’ils sont endommagés, on les répare, on les remet dans une boucle de location. Et s’ils sont irréparables, on s’en sert comme source de pièces détachées pour réparer d’autres appareils.
Marion Duchatelet – Badsender
Ça devrait être quoi la durée de vie minimale d’un smartphone ou d’un ordinateur ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a des réglementations européennes qui commencent à arriver sur le domaine du smartphone, qui vont imposer le maintien des mises à jour cinq ans après la dernière unité vendue. Ça va pousser les constructeurs à maintenir probablement leur appareil pendant sept ans minimum. Donc, il y a des choses qui se passent, qui sont intéressantes. Maintenant, franchement, on me pose souvent cette question : quelle serait la durée de vie pour que la production et la consommation d’appareils électroniques soient soutenables ? Il y a des gens qui disent 10 ans. Il y a l’ARCEP, l’ADEME qui ont publié des études pour évaluer comment on pourrait atteindre la neutralité carbone en 2050 et comment, dans le secteur du numérique, on pourrait atteindre cet objectif là. Et pour eux, ça passe par une multiplication, je crois, par deux ou trois de la durée de vie des appareils actuels, une stabilisation des flottes, l’allongement de la durée de vie et arrêter d’en produire. Ce n’est pas comme ça que c’est dit dans l’ADEME, mais il faut arrêter de surproduire. On est trop équipé, c’est à dire que quand on parle de stabilisation du parc, ça veut dire qu’il faut arrêter de penser qu’on va tous et toutes avoir une tablette, un ordi, un smartphone, un robot connecté, un aspirateur connecté, un truc qui ne sert à rien.
Marion Duchatelet – Badsender
Votre cœur de cible, vous êtes plutôt B2C ou B2B ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
On est les deux. On s’est lancé grâce au B2C en 2018. On a essuyé les plâtres avec les particuliers, pour ainsi dire. Et puis progressivement, on s’est sentis suffisamment solides pour proposer des offres pour les pros. Aujourd’hui, chez les pros, on adresse principalement les TPE, les PME. On commence à avoir les ETI. Et puis on va voir des entreprises de toute typologie qui viennent nous voir. On a des associations, des cabinets conseil / RSE, des entreprises dans la pharmaceutique. Bref, on a pas mal de trucs différents. On a des flottes d’entreprises qui atteignent les 200 appareils.
Marion Duchatelet – Badsender
En B2C, c’est quel type de population ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Il y a des gens qui viennent chez nous pour différentes raisons, mais on va dire que la majorité, ce sont des personnes militantes qui voient dans notre modèle une façon de changer radicalement leur approche de consommation numérique. Ce sont des gens aussi qui sont sensibles à l’aspect coopératif, c’est à dire qu’ils voient dans notre gouvernance et dans nos statuts une réelle plus value. Et puis, il y a aussi des personnes qui viennent chez nous pour la qualité du service en premier lieu. Il y a des personnes, c’est la première fois qu’ils ont un smartphone et ils viennent chez nous. C’est un peu la mort dans l’âme quand ils arrivent chez nous, parce qu’il aurait mieux valu qu’ils restent sans smartphone. Mais bon, on est là pour accompagner si besoin.
Marion Duchatelet – Badsender
Aujourd’hui, c’est un peu compliqué de vivre sans smartphone. Parce que dès que tu veux acheter quelque chose en ligne, faire des inscriptions à des activités diverses pour tes enfants, payer tes impôts, ça se fait avec un téléphone.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Oui, bien sûr. Mais tant que ça peut se faire par l’intermédiaire d’un ordinateur, on peut continuer à vivre sans smartphone. Moi, je n’avais pas de smartphone avant de lancer la coopérative. J’ai pris un fairphone de ma coopérative six mois après avoir lancé la coop. C’était la mort dans l’âme quand je l’ai pris.
Marion Duchatelet – Badsender
Justement, j’ai lu un article sur les dumbphones. J’imagine que tu vois ce que c’est. Peux-tu juste préciser pour ceux qui nous écoutent ce que c’est la différence entre un fairphone et un dumbphone ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
En gros, un dumbphone, c’est un Nokia3310 ou un vieux téléphone brique. Il y a une tendance à redévelopper ces téléphones. On est à l’écoute de ces tendances. Quand il y aura un téléphone de ce type qui sera suffisamment fiable et qui rentrera dans le cahier des charges de nos valeurs, c’est à dire un minimum démontable et éventuellement de l’open source, on l’intégrera dans nos offres. Il y en a un qu’on surveille de près, c’est le Mudita qui devrait arriver bientôt. Ils en sont au bêta test. C’est vraiment un téléphone avec une batterie qui est amovible, axé sur l’open source, qui n’embarque que des fonctionnalités essentielles comme l’appel, l’envoi de textos, un petit MP3, une petite application de méditation, parce que le créateur aime bien la méditation. C’est tout. Pour le reste, dans une version améliorée, ils envisagent de mettre un outil GPS et aussi la possibilité de partager sa connexion avec son ordi, c’est à dire que le téléphone peut servir de modem pour faire un partage de codes comme les smartphones.
Marion Duchatelet – Badsender
Les dumbphones, ce n’est pas forcément sans connexion Internet. Ce n’est pas le Nokia 3310. Ça peut l’être, mais il y a d’autres versions du dumbphone où ils se disent « On va se concentrer sur les besoins essentiels », donc la musique pour certains et le GPS, par exemple. C’est limiter vraiment l’usage et le temps passé sur son téléphone.
Adrien Montagut-Romans – Commown
C’est souvent des constructeurs qui travaillent sur le fait de s’affranchir des dynamiques d’économie de l’attention pour retrouver du temps. Parce qu’on développe une dépendance au smartphone. Les concepteurs des applications sont très doués pour phagocyter notre attention.
Marion Duchatelet – Badsender
C’est un podcast qui parle de marketing. C’est quoi le marketing pour une entreprise comme Commown ? Comment tu vois les choses ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Nous, on est toujours sur une ligne de crête. On doit communiquer sur nos valeurs sans pousser à l’acte d’achat immédiat. La plupart des gens ont des appareils qui fonctionnent quand ils voient la communication qu’on leur adresse. Une grande partie de nos messages sur les réseaux sociaux, quand on va mettre en avant une nouvelle offre, vont s’associer à un message en mode « Attention, le meilleur smartphone, c’est celui que vous avez déjà dans votre poche. » On est très vigilants sur les messages qu’on adresse. En fait, on ne surjoue pas nos valeurs. On a vraiment des valeurs assez radicales. On est très engagés. On est très transparents aussi sur nos sources d’amélioration. Quand on communique, on le fait avec sincérité et je pense que les gens le perçoivent. Ce qui permet d’être assez impactant quand les gens entendent parler de nous. Et on pense que cet impact, dans la durée, il paye. Entre le moment où une personne entend parler de nous et où elle va avoir réellement besoin d’un smartphone, elle aura d’autant plus de chance de se souvenir de notre coopérative si l’impression qu’on lui a faite en premier instant était bonne. Au début, on a fait énormément de salons B2C pour aller à la rencontre des gens. Maintenant, on essaye de focaliser notre effort sur les salons professionnels. On commence à avoir une notoriété dans le monde militant, parce qu’on s’associe avec différentes structures. On fait partie de l’Alliance des licoornes avec deux « o ». On a aussi le collectif Fairtech. On a tissé pas mal de liens dans ce monde là. Et ce qu’on observe aujourd’hui, c’est que la première source d’acquisition chez nous, c’est le bouche à oreille. Pour les particuliers, c’est clairement le bouche à oreille. Et ça, c’est assez gratifiant et ça montre qu’on va dans la bonne direction.
Marion Duchatelet – Badsender
Sur votre site internet, à côté du bouton « Louer un fairphone », il y a un autre bouton « En ai-je besoin ? ». J’ai répondu aux questions et non, en effet, je n’en ai pas besoin parce que mon smartphone marche encore. Du coup, j’ai une question qui me vient : si on mise sur le bouche à oreille et si on n’incite pas à consommer, comment on fait pour survivre économiquement ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Nous, on est sur un modèle de location longue durée, c’est à dire qu’en fait, on n’est pas dépendant du chiffre d’affaires des ventes chaque mois. On a des mensualités qui arrivent dans le temps long.
Marion Duchatelet – Badsender
Oui, mais, il faut arriver à certain nombre d’abonnements pour être rassuré j’imagine ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Oui, tout à fait. Forcément, on est encore sur des dynamiques de croissance. On n’a pas encore trouvé le modèle qui permet d’être viable économiquement en ayant une décroissance économique. Ça serait génial, mais on n’a pas ça encore. Donc oui, on est sur des dynamiques de croissance. On aurait espéré atteindre la viabilité économique un peu plus tôt. Là, on espère passer le cap dans les trimestres qui viennent. C’est sûr qu’on n’est pas sur un modèle de start up qui va claquer deux millions dans une campagne de notoriété marketing pour son lancement en faisant miroiter à ses investisseurs un retour sur capital astronomique à plus de cinq ans. On s’est développé beaucoup plus lentement que toutes les start up qui se lancent dans le domaine. C’est certain. On n’a pas les mêmes budgets com.
Marion Duchatelet – Badsender
En tant que dirigeant, tu acceptes de croître sur un plus long terme. Vous n’avez pas les réflexes des dirigeants d’aujourd’hui qui se disent « On va activer tous les leviers marketing du monde pour atteindre la viabilité économique le plus rapidement possible. » Il y a un système de temps long qui doit être acceptable en tant que dirigeant du moment.
Adrien Montagut-Romans – Commown
C’est ça. On est beaucoup plus patients peut-être. Après, on a expérimenté des trucs. On a fait de la pub Facebook, on a fait de la pub par l’intermédiaire de Google Ads, etc. On a essayé des choses pour comprendre comment pouvaient fonctionner différents leviers. On a essayé différents outils d’acquisition client pour essayer de voir ce qui fonctionnait. Admettons, qu’on se dise, « on va faire une campagne d’affiliation, on va tester ça ». Si on observe que ça nous envoie des clients qui ont tous tendance à changer leur appareil pour arriver chez nous, on va sans doute remettre en question la campagne. Aujourd’hui, probablement que les gens qui viennent chez nous, ils ont déjà des appareils, et probablement que ces appareils fonctionnent ou qu’ils sont en fin de vie. On sait qu’il y a des clients qui arrivent chez nous en nous disant « J’ai tenu jusqu’au bout, mon tel vient de lâcher. » Du coup, ils sont souvent un peu pressés d’être livrés. Maintenant, c’est vrai qu’on n’essaye pas de dissuader systématiquement les clients qui viennent chez nous de venir. Par contre, s’ils nous posent des questions et qu’ on s’aperçoit qu’ils ont un appareil qui fonctionne bien, on va avoir tendance à les remettre en question sur le fait de venir chez nous immédiatement.
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Marion Duchatelet – Badsender
Justement, tu parles de ta relation avec tes clients. Lors du podcast avec Telecoop, Marion Graeffly nous disait que pour convaincre et soulever les obstacles, il fallait à un moment donné passer par la voix, donc le service client. Là où certaines entreprises font tout pour limiter le service client, parce que justement, ça coûte de l’argent. Marion disait que pour elle, c’était hyper important. Est-ce que votre service client chez Commown est sollicité ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
On a effectivement un service client de très haute qualité, même si, pour l’instant, on n’a pas de ligne directe sur lesquelles on peut appeler. C’est à dire que le service, c’est le cœur de notre modèle. On se doit d’être hyper réactifs, donc on a mis en place plein d’outils qui permettent aux clients de nous contacter par l’intermédiaire d’un ordinateur ou par l’intermédiaire de leur smartphone. Il faut, grosso modo, envoyer un message écrit. Pourquoi on a choisi l’écrit plutôt que la voix ? Parce qu’on fait face à un très grand nombre de questions, très techniques. Comme la résolution d’un problème, qui parfois, vont faire intervenir plusieurs personnes sur une semaine. Et pour ce genre de cas, c’est bien de garder des traces. S’il y a un transfert de dossier, par exemple, il faut que la personne puisse avoir les informations qui soient antérieures. Donc, c’est important d’avoir ce système de traçabilité là. Toutefois, on a deux niveaux d’offre. Une offre premium où le client a la possibilité d’être rappelé en cas de problème. Il y a un bouton « Je souhaite être appelé », dans ce cas là, on appelle le client. Peut être que d’ici quelques années, on proposera une ligne directe pour être appelé, mais aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas. Par contre, ce qu’on fait, c’est qu’ avant l’expédition de l’appareil, on appelle tous les clients systématiquement. C’est un entretien qui dure entre 7 et 15 minutes. Et donc là, c’est vraiment le moment où le client se sent accueilli dans la coopérative et où on éclaircit avec lui toutes les interrogations qu’il pourra avoir sur son offre, le niveau de service, l’appareil, est-ce qu’il a bien compris quel type d’appareil il a choisi, etc. Parfois, à ce moment là, on le conseille pour changer d’appareil ou il arrive même qu’on le dissuade de venir chez nous immédiatement. C’est vraiment au moment de l’appel pré-livraison qu’il y a ce travail de lien avec la personne.
Marion Duchatelet – Badsender
Ok. On m’a proposé de soutenir Commown quand j’ai vu que je n’avais pas encore besoin de louer un smartphone. Vous renvoyez vers un système de dons. Je trouve ça intéressant et assez intelligent. Est-ce que c’est une source de revenus qui est importante pour vous ? Si je me souviens bien, c’est un don qui va me permettre de passer à l’action dans quelques mois.
Adrien Montagut-Romans – Commown
C’est ça, ce n’est pas tout à fait un don. C’est un bon de consommation différé. C’est un bon d’achat pour plus tard. En gros, si la personne n’a pas besoin d’appareil ans l’immédiat et qu’elle est persuadée qu’elle va venir chez nous parce que notre coopérative est trop cool, elle peut, au moment où elle passe sur notre site web, prendre un bon d’une valeur qui va de 20 € à 500 €, pour le moment où elle aura véritablement besoin de souscrire à une offre. Ce bon, il n’est pas nominatif, il n’a pas de durée de péremption et il est activable trois mois après l’achat du bon. Pourquoi 3 mois ? Parce qu’on ne voulait pas tomber dans le truc « j’ai un bon, j’achète tout de suite ». Après, si la personne a un problème avec son téléphone à deux mois et demi, on ne va pas lui dire « Attendez, il faut attendre 15 jours supplémentaires ». Ça donne un tout petit avantage financier en plus. Par exemple, à 20 €, ça va faire 23 € de bon d’achat et à 500 euros, ça va peut être donner 550 euros de bon de souscription. Après, c’est un peu comme si le client ou la cliente souscrit à l’offre, il ou elle va payer la caution. Et ensuite, toutes ces mensualités seront défalquées progressivement. Elles seront remises à zéro en fonction du bon qu’elle aura souscrit.
Marion Duchatelet – Badsender
Tu disais tout à l’heure qu’en B2B, vous êtes plutôt sur une population de TPE, PME et que vous essayez de passer aux ETI. Pourquoi ? Est ce que c’est plus facile de convaincre des petites boites que des grosses ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Les petites boites, on a limite pas besoin de les convaincre, c’est à dire qu’elles viennent directement nous chercher. Quand je dis « les petites » c’est jusqu’à 50, 60 salariés. Les entreprises où on a des flottes de 200 appareils, c’est des entreprises qu’on a rencontrées même si certaines sont venues nous chercher aussi. Après, sur les ETI ou les grands comptes, on a essayé de discuter avec eux, mais forcément, c’est des processus décisionnels qui sont beaucoup plus longs. Parfois, c’est des entreprises qui ont déjà leurs processus internalisés de gestion de flotte et il y a des entreprises qui font ça déjà très bien. Et donc la plus value de notre modèle, en termes de durabilité n’est pas forcément pertinente. Et puis, parfois, c’est des entreprises qui ont des contrats cadres avec des acteurs et on ne peut pas s’aligner économiquement. Parfois, ce n’est pas possible. Mais bon, globalement, sur nos offres d’ordi, on est particulièrement compétitifs, d’après les retours qu’on a eu, d’un point de vue économique. Sur les offres de smartphones, là, c’est un peu plus compliqué parce que souvent, il y a des contrats spécifiques. Genre vous avez la flotte d’appareils, mais on vous met des cartes SIM en plus. En fait, l’entreprise, elle ne paye pas les terminaux, elle ne paye pas les smartphones, mais elle a un abonnement premium chez Orange où ils surfacturent les abonnements. Ce modèle là, on ne l’a pas encore. Un jour, on sera capable de faire des trucs similaires avec Telecoop, sans forcément rentrer dans les dynamiques de sur-facturation. On pourra proposer un package complet coopératif, mais on n’y est pas encore aujourd’hui.
Marion Duchatelet – Badsender
Du côté B2C, tu disais que la population, c’était principalement des militants, donc assez conscientisés sur ces sujets. Ma question, c’est comment on fait pour embarquer tout le monde ? Ça passe par la vulgarisation de messages ? J’ai vu sur votre site que vous avez beaucoup de textes.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Je ne sais pas si on est capable d’embarquer tout le monde. Derrière la question « Comment on embarque tout le monde ? », moi, j’entends le fait que pour qu’on change le monde, il faut que tout le monde prenne conscience et il faut que tout le monde fasse sa part. C’est une vision avec laquelle je ne suis pas forcément en phase. Dans le sens où ça a trop tendance à faire porter la responsabilité sur les individus et pas sur les États et les entreprises. Alors qu’en fait, ce n’est pas compliqué. Pour embarquer tout le monde, il faut mettre des mesures contraignantes, il faut poser des interdictions, il faut encadrer les entreprises. Le côté Colibri, je l’ai eu. Ça a été une période de mon engagement. C’est plus ce que je prône aujourd’hui. C’est important que les gens qui ont conscience des enjeux alignent leur consommation avec leurs valeurs et leurs préoccupations. Quand on croise une personne qui est engagée et qui s’épanouie dans son engagement, ça donne envie à d’autres personnes de le faire. Donc ça, c’est important de continuer à diffuser cet engagement dans la société. Mais, si on pense résoudre les problèmes dans lesquels on se trouve en attendant que l’ensemble de la population soit éveillée, on ne va pas y arriver. Cette stratégie aurait dû être mise en place dans les années 70 et encore peut être même à la sortie de la guerre. Ce n’est pas du tout le chemin qui a été choisi. Aujourd’hui, on est dans un cul de sac. On va se prendre des bâches et des murs. On commence déjà à en prendre. Et ce n’est pas en attendant que les gens s’éveillent progressivement qu’on va résoudre le problème.
Marion Duchatelet – Badsender
J’imagine que c’est pour ça que tu es engagé en tant que plaidoyer et que tu fais toutes ces réunions avec le gouvernement. C’est pour justement essayer de changer structurellement les choses.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Oui. On essaye d’agir à tous les niveaux. On propose une solution pour les particuliers, pour les entreprises. Mais on a bien conscience que cette solution ne va pas forcément s’adresser à tout le monde. Et on a bien conscience que ce n’est pas grâce à notre coopérative qu’on va sauver le monde et qu’on va sauver l’électronique. Par contre, la coopérative nous donne une légitimité pour aller nous exprimer dans des sphères d’influence. Dès qu’on nous demande notre avis, on le donne sans aucun scrupule et on propose des mesures radicales, comme par exemple l’interdiction de la pub sur les produits neufs électroniques. Ça, ça serait une mesure de bon sens. La disparition des écrans numériques dans l’espace public, au delà de l’impact environnemental, ça serait surtout une mesure symbolique. Il y a plein de trucs comme ça qu’on met sur la table de manière récurrente. Ça ne trouve pas beaucoup d’écho dans le gouvernement que l’on connaît aujourd’hui, mais on continue à plaider pour ces trucs là. Parce que c’est par des mesures de cet ordre, qui questionnent la façon dont on produit, qu’on pourrait éventuellement se sortir de l’ornière. Aujourd’hui, les politiques publiques vont mettre en place des trucs pour questionner la façon dont on consomme. On va éveiller le consommateur en mettant par exemple en place un indice de durabilité, une petite ligne en dessous des campagnes de pub qui dit « manger des fruits tous les jours, bouger, prenez le vélo, l’énergie est notre avenir… ». Mais ce genre de phrase ne sert strictement à rien. On n’en est plus là. Il faut juste arrêter de faire de la pub pour des SUV, arrêter la pub pour les billets d’avion. Bref, il faut arrêter des trucs. Et ça, pour l’instant, les gouvernements ne sont pas à la hauteur du rendez-vous.
Marion Duchatelet – Badsender
Ce que je constate dans les entreprises vraiment engagées, c’est qu’il y a toujours du temps qui est pris en mode bénévole pour changer les choses de façon plus systémique. Je n’ai pas interwievé l’entreprise Loom, mais j’ai discuté avec Guillaume Declair, l’un des fondateurs de Loom. Ils ont monté le collectif « en mode climat » et leur objectif, c’est de faire changer les lois de la fast fashion. J’ai quand même l’impression que dans les entreprises qui sont sur un modèle vertueux, et qui sont vraiment engagées, il y a toujour une partie de leur temps qui est pris pour changer les choses de façon systémique et donc, à un moment donné, être plus proche du gouvernement. Tu veux dire un mot là dessus ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
En fait, on n’imaginait pas faire ça dès le départ. On ne savait même pas que c’était possible de faire ce qu’on fait. Mais on a très rapidement rencontré des acteurs associatifs et c’est ces acteurs associatifs qui nous ont cooptés pour nous faire entrer dans des réunions gouvernementales. Parce qu’ils se trouvaient démunis et en front devant l’industrie au sein de laquelle ils n’avaient pas d’allié. Nous, on s’est lancé en janvier 2018. Mais dès septembre 2018, on commençait à participer aux réflexions en amont de la loi Économie circulaire. Mais ça, on ne l’avait pas planifié. Mais dès l’instant où on a eu cette opportunité, on a vu qu’il y avait énormément à faire là dessus. Et c’est là où on pense aujourd’hui qu’on a potentiellement plus d’impact. Pourquoi est-ce qu’on n’est pas payé pour faire ça ? (rires) En face, les chargés d’affaires publiques des GAFAM, bien entendu qu’ eux, ils ont un intérêt économique majeur à être dans ces réunions pour ralentir le plus possible les réglementations. Parce que quelque part, ça remet en question leur modèle économique. Eux, ils ont un intérêt économique à être dans ces réunions là. Nous, le fait qu’il y ait un indice de durabilité qui arrive, ça n’a strictement aucun intérêt économique pour notre coop. Oui, ça va participer à l’acculturation des gens sur le sujet, mais on n’y gagne rien et ça nous coûte une blinde.
Marion Duchatelet – Badsender
Pourquoi j’ai insisté sur le « vraiment » tout à l’heure ? C’est parce que j’ai l’impression que certaines entreprises parfois surfent sur les modèles vertueux, mais qui, dans le même temps, vont pousser malgrès tout à la consommation. Je me demande si quelque part, il n’y a pas du greenwashing derrière. Ma question, c’est comment on fait quand on est une entreprise avec de vraies valeurs pour se faire connaître sans pour autant tomber dans le greenwashing ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Je vois très bien ce que tu veux dire parce que nous, on est quand même pas mal questionnés. On a des partenaires du monde coopératif qui nous forwardent les emails de prospection d’entreprises qui sont un peu dans notre secteur. Et ça nous questionne. Jusqu’à présent, on fait très peu de pushs, on fait très peu d’actions pour aller les chercher. Et quand on apprend que des entreprises partenaires peuvent être sollicitées par des gens qui ne sont absolument pas du secteur de l’ESS, par exemple. On espère que l’entreprise, au moment où elle va se poser la question du renouvellement de sa flotte, elle va vraiment penser à nous. Comment faire pour ne pas être taxé de greenwashing ? Il faut prendre du temps. Moi même, je suis quelqu’un de très, très, très, très, très critique et j’ai une propension à taxer les gens de greenwashing assez importante si je n’ai pas des éléments de preuve suffisants rapidement. Donc, il faut que je puisse, sur un site web, en quelques clics, avoir des preuves d’engagement, de transparence. Ça, c’est mon tropisme, mais personnellement, quand j’arrive sur un site, le premier réflexe que j’ai, c’est que je vais chercher à connaître les statuts juridiques de la boite. Si la boite est une SAS classique ou autre, déjà, je sais dans quel type d’entreprise je m’adresse. Et puis après, est ce que l’entreprise a mis en ligne ses statuts ? Est ce qu’on peut accéder à ses statuts juridiques ? Nous, on essaye de faire preuve le plus possible de transparence. Il y a tout un ensemble d’éléments de preuve sur notre site, mais ça va demander aux gens de les lire, ça va demander aux gens d’aller les chercher. Par exemple, là, on a fait une affiche pour nos salons B2C. On a mis sur l’affiche « garantie sans bullshit » au sens garantie sans greenwashing. Pour interpeller les gens, pour qu’ils viennent nous poser des questions. Parce qu’il faut pouvoir échanger avec les personnes pour les convaincre. Parce qu’évidemment, il y a tellement de greenwashing actuellement qu’ on pourrait se faire noyer.
Marion Duchatelet – Badsender
Je constate aussi que quand on veut vraiment faire transparaître ses valeurs, ça passe par des textes plus longs, forcément, sur les sites web. Là où on nous dit dans le marketing classique, il faut aller droit au but, il faut faire des textes courts.
Adrien Montagut-Romans – Commown
« Venez chez nous et vous allez sauver le monde ». Voilà.
Marion Duchatelet – Badsender
Ça passe par des textes plus longs, du coup, sourcés, etc. Mais ça demande aussi aux consommateurs de prendre plus de temps de lire. On est vraiment dans un autre délire que la rapidité à tout prix.
Adrien Montagut-Romans – Commown
On peut essayer l’humour aussi. Ça n’avait pas été retenu dans les propositions de l’affiche. Là, on a des fois des sites de la somme d’équipe, mais j’avais imaginé une affiche « Découvrez le smartphone neutre en carbone qui plante des arbres et qui est bio sourcé. » Justement pour vraiment interpeller, dire « C’est quoi ce total… » Bref, second degré, ça peut peut être marcher aussi, mais c’est peut être un peu plus direct.
Marion Duchatelet – Badsender
Est-ce que vous faites votre bilan carbone ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
On ne l’a pas encore fait. On pourrait le faire. Ce qu’on aimerait faire, c’est aller plus loin. Ca serait une analyse de cycle de vie multi-critères. Mais on se freine dans le fait de l’amorcer parce qu’on estime qu’on a pas encore de données assez fiables. Parmi les quatre cofondateurs, on a des profils assez scientifiques et on aime bien être un peu solide quand on fait des choses. Et là, aujourd’hui, on aurait l’impression que sur une ACV multi-critères, on serait encore un peu trop aux doigts mouillés dans le sens où on n’est pas encore arrivés à la fin de l’exploitation de la première flotte d’appareils qu’on a en circulation. Et donc, à ce titre, on ne sait pas quelle est la plus value en termes de durée de vie qu’offre notre modèle versus acheter un Fairphone, par exemple. Même si on commence à avoir des idées. Par contre, le bilan carbone, oui, on pourrait définir le bilan carbone d’une année donnée. Mais de fait, notre bilan carbone, il n’aurait de cesse d’augmenter chaque année puisqu’on est encore dans une phase de croissance et donc on va mettre en circulation de plus en plus d’appareils.
Marion Duchatelet – Badsender
Oui, ton bilan carbone avec les scopes 1, 2 et 3 risque d’augmenter. Mais il y a un scope 4, si je ne me trompe pas, qui permet aussi de calculer les émissions carbone qui ont été économisées en louant à Commown plutôt qu’en achetant classiquement.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Oui. Déjà, si on arrive à faire jusqu’au SCOP3, ce serait bien. Je n’ai pas entendu parler de ce scope 4, sur les émissions carbone évitées. Mais bon, on va y venir parce que ce sont des éléments de preuve que tout le monde demande, nos investisseurs notamment. Mais c’est juste que pour l’instant, on n’estime pas avoir de données assez fiables.
Marion Duchatelet – Badsender
Ça pourrait rajouter un argument sur le site web.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Oui, tout à fait.
Marion Duchatelet – Badsender
Est-ce que tu as des autres entreprises qui t’inspirent dans leurs démarches et que tu aimerais bien voir dans un podcast comme celui-ci?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Sur le marketing, tu as déjà cité Loom. Il y a une boite qui fait de la location de vélo qu’on a trouvé assez cool. Je ne suis pas allé creuser plus loin. Je pense que c’est une entreprise classique, capitaliste. J’ai oublié leur nom, c’est Swapfiets je crois. Ils ont une com pour expliquer ce qu’est l’économie de la fonctionnalité et la location. Leur com est vraiment exemplaire en termes de pédagogie sur le sujet.
Marion Duchatelet – Badsender
Ok, j’irai voir. Et j’ai une dernière question qui me titille. Tu as l’impression que les boites qui restent en SAS, en tout cas qui ont un modèle de base capitalistique, ne peuvent pas être sincères dans leurs démarches ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Non. Je pense que les gens qui créent des SAS ou qui travaillent dans des SAS, sont sincères. Mais ce n’est pas suffisant dans la mesure où c’est des boîtes qui vont potentiellement se faire racheter. Les gens chez GreenFlex, étaient très engagés, très sincères. Mais Total, du jour au lendemain, a décidé de racheter GreenFlex. Ça a posé un problème. Parce que c’est un bras armé du greenwashing de cette entreprise.
Marion Duchatelet – Badsender
Et si les dirigeants n’ont pas envie d’être rachetés et veulent avoir une croissance maîtrisée sur le long terme ?
Adrien Montagut-Romans – Commown
Oui, mais ça n’empêche pas tout. Tu n’es pas à l’abri d’accidents de vie, tu n’es pas à l’abri de ce genre de truc. Et par ailleurs, tes politiques de rémunération du capital, c’est toi qui les maîtrise et il n’y a pas de droit de regard de l’extérieur. Dans une stratégie de sobriété, à un moment donné, il faut vraiment questionner cette notion d’enrichissement capitalistique, parce que c’est vraiment là le nerf de la guerre. On est sur une économie qui exploite les gens, exploite la nature, exploite les ressources pour générer du profit qui s’accumule dans une poignée de personnes ultra riches. Et ce modèle de ponction de la richesse, ce n’est pas un truc qui est viable, ce n’est pas un truc qui est soutenable. Ça fait émerger des sources d’inégalité. Donc ce n’est pas du tout soutenable. Moi, je suis profondément anticapitaliste. Philosophiquement, même si on est contraint quand même à fonctionner dans un modèle capitaliste. Aujourd’hui, pour favoriser notre développement économique, on a recours à des banques, donc on fait des prêts. On va voir des banques qui sont proches de nos valeurs, on va voir le crédit coopératif, on va avoir la nef, etc. Mais les prêts, ce n’est ni plus ni moins qu’une façon de rémunérer de l’argent. On n’est pas non plus complètement hors du système, sinon je ne serais pas en train de discuter avec toi. Mais il faut quand même questionner les fondements de nos modèles économiques parce que autrement, je pense, on ne résoudra pas les problèmes.
Marion Duchatelet – Badsender
Je comprends. La coopérative, c’est un système de garde de fou. Ça permet aux dirigeants de ne pas déconner. Merci Adrien pour ton temps.
Adrien Montagut-Romans – Commown
Avec plaisir.
Marion Duchatelet – Badsender
Je te souhaite une bonne journée. À bientôt.
Adrien Montagut-Romans – Commown
À bientôt. Au revoir.
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Cool !