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Interview de Ferréole Lespinasse – Adopter la Sobriété Éditoriale : Communiquer Moins, Mieux, et Autrement

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Comment aligner engagements RSE et communication ?

Dans ce trente et unième épisode de notre podcast Sobriété & Marketing, Marion Duchatelet discute avec Ferréole Lespinasse de Cyclop Éditorial. Ferréole accompagne les organisations à mettre en place une communication plus responsable via une approche qui s’appelle la sobriété éditoriale. Elle est également l’autrice d’un bouquin intitulé : « Sobriété éditoriale, 50 bonnes pratiques pour éco-concevoir vos contenus web ».

Ferréole explique que l’approche de la sobriété éditoriale vise à réduire la charge mentale des lecteurs et l’impact environnemental du web pour des contenus plus pertinents et moins nombreux. La sobriété éditoriale intervient en complémentarité des notions de sobriété et d’éco-conception numérique.

On y parle de langage clair, d’efficacité rédactionnelle, d’accessibilité, d’inclusivité. On y donne des conseils et bonnes pratiques autour de la hiérarchisation des informations, des emojis, des gifs animés, de l’utilisation des images. Un échange captivant sur les meilleures pratiques pour une communication durable et alignée avec les valeurs RSE.

Dans les écoles, on biberonne les étudiants au calendrier éditorial. Si je regarde les autres, ils communiquent beaucoup, alors il faut que je fasse pareil. Mais tout ça, au final, c’est un peu puéril. Pour moi, c’est un modèle assez toxique.

Ferréole Lespinasse de Cyclop éditorial

Plan temporel de l’épisode :

  • [00:45] – Définition de la Sobriété Éditoriale
  • [05:59] – Langage Clair vs. Langage Simplifié
  • [07:12] – La Charge Mentale et la Sur-communication
  • [10:19] – Communication de l’Ego et Communication Paillette
  • [12:05] – Réduire la Voilure en Communication
  • [14:38] – Se Focaliser sur les Essentiels
  • [20:29] – Garder le Cap malgré les Tendances
  • [22:01] – Hiérarchisation de l’Information
  • [27:04] – Accessibilité et Inclusivité
  • [34:51] – Utilisation des Emojis, Gifs Animés, et Vidéos
  • [40:26] – Bonnes Pratiques autour de l’utilisation des images
  • [43:42] – Sensibilisation des Entreprises à la Sobriété Éditoriale
  • [46:02] – Impact sur les Ventes et la Communication

Bonne écoute !

Cet enregistrement est aussi disponible sur toutes les plateformes de podcast :

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Liens vers les notions que nous abordons dans l’épisode :

Transcription texte de l’épisode avec Ferréole Lespinasse

Marion Duchatelet – Badsender
Bonjour Ferréole.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Bonjour Marion.

Marion Duchatelet – Badsender
Ferréole, tu accompagnes les organisations à mettre en place une communication plus responsable. Tu es l’autrice d’un bouquin qui s’appelle: « Sobriété éditoriale, 5 ans de bonnes pratiques pour éco-concevoir vos contenus web ». Et tu accompagnes les organisations via une approche qui s’appelle la sobriété éditoriale. Est-ce que tu peux me définir cette approche. Qu’est-ce que la sobriété éditoriale ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
La notion de sobriété éditoriale, elle intervient justement en complémentarité de la notion de sobriété numérique. Dans un paysage qui est saturé en informations, la sobriété éditoriale va inviter à communiquer moins, mieux, autrement. Les objectifs sont d’une part, d’alléger l’impact environnemental de la communication, comme dans la sobriété numérique ; et d’autre part, de respecter la charge mentale des publics et la charge de travail des communicants, et enfin d’augmenter la pertinence de la communication. En fait, la sobriété éditoriale, elle intervient à tous les niveaux de création du contenu. Dès que je vais décider ou pas de communiquer, quand je vais créer mon contenu et durant son cycle de vie. Le questionnement majeur, c’est vraiment évaluer l’intérêt de produire un contenu au regard de son utilité pour le public et de son efficacité pour la communication de l’organisation.

Marion Duchatelet – Badsender
Est-ce que tu pourrais aussi nous éclairer maintenant sur les différentes définitions ? J’entends parler de sobriété éditoriale, d’UX writing, d’éco-conception. On parle aussi de rédaction, d’efficacité rédactionnelle. Tu pourrais nous définir les grandes différences ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Oui. L’UX Writing, c’est plutôt l’écriture des micro-contenus qui facilitent le passage à l’action. C’est choisir des mots et des phrases qui vont composer une interface ou une page web. En plus de l’écriture des contenus, ça va être vraiment la manière aussi dont le contenu est présenté pour faciliter justement l’expérience utilisateur et qu’elle soit plus fluide et plus agréable. Ça, c’est l’UX Writing. Tu m’as parlé d’éco-conception. L’éco-conception, l’objectif principal de l’éco-conception, c’est de réduire les impacts environnementaux des produits et des services tout au long de leur cycle de vie. Dans ce qui concerne l’éco-conception numérique, l’idée, ça va être vraiment de se dire: Mon usager a un besoin et je vais y répondre en insistant, en concevant une réponse qui soit la plus efficace possible. Le parcours utilisateur, le plus fluide, le plus léger possible. L’idée, souvent, derrière l’éco-conception, c’est vraiment le principe des trois U. C’est-à-dire: Est-ce que ce que je fais, c’est Utile par un public ? Est-ce que c’est Utilisé par un public ? Et est-ce que c’est Utilisable ? Est-ce que c’est mis en forme de manière à passer à l’action ? Ces trois principes guident aussi toute la réflexion autour des contenus en sobriété éditoriale. L’action que j’ai à faire, je vais la dimensionner au regard des besoins de mon usager. Il y a vraiment la notion des essentiels qui est derrière l’éco-conception. Tu m’as parlé aussi de l’efficacité rédactionnelle. J’ai des objectifs de base, ça va être informer, convaincre, faire changer de comportement. Ma rédaction, je vais vraiment la centrer autour de ses objectifs. L’idée, c’est vraiment d’aller, encore une fois, à l’essentiel et droit au but. Je vais me permettre de rajouter une autre définition parce qu’elle est importante, c’est celle de langage clair. Le langage clair, ça fait partie des fondamentaux de la sobriété éditoriale. Et le langage clair, c’est vraiment comment je vais écrire un contenu pour qu’il soit accessible par le plus grand nombre. C’est devenu une norme depuis juillet 2023, la norme ISO 24 495. Et ce qui est important de préciser, c’est que le langage clair n’est pas du langage simplifié. Le langage clair, c’est vraiment un langage accessible par tous, mais l’idée, ça va être d’éviter de faire ce qu’on fait régulièrement en français, c’est-à-dire des phrases alambiquées, du jargon, des tourneurs compliquées. C’est vraiment comment je simplifie l’accès à l’information.

Marion Duchatelet – Badsender
Et quand tu dis par le plus grand nombre, c’est du coup par les personnes qui sont en déficience visuelle, qui ont des problèmes neuroleptiques ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Justement, la différence entre le langage clair et le langage simplifié. On va parfois utiliser un langage simplifié ou le FALC : le facile à lire, facile à comprendre. Le FALC est plutôt pour des personnes qui ont des problèmes de compréhension parce qu’ils parlent une autre langue ou parce qu’ils ont des troubles de fonctionnement du cerveau. Le langage clair, c’est plutôt pour essayer de s’adresser au plus grand nombre de personnes. Par exemple, on va pouvoir utiliser du langage clair dans l’industrie pour clarifier un texte destinés à des acheteurs qui ne sont pas techniciens.

Marion Duchatelet – Badsender
C’est un peu de la vulgarisation de textes ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Voilà. En français, on dit vulgarisation. Moi, j’aime bien employer le mot popularisation, parce que vulgarisation, c’est souvent connoté de manière négative. Comment on rend plus populaire ce qu’on écrit ?

Marion Duchatelet – Badsender
En début d’interview, quand tu as présenté la sobriété éditoriale, tu as parlé de charge mentale. C’est un groupe de mots qui est rarement utilisé dans les contenus web. Si je fais le parallèle avec mon métier, l’expertise qu’on a chez Badsender qu’est l’emailing, évidemment, la charge mentale, ça me parle parce qu’on reçoit des des dizaines d’emails commerciaux par jour. On a des milliers d’emails dans notre boîte mail qui sont non lus et qui resteront non lus à vie. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on n’écrit pour rien en règle générale ? Les entreprises écrivent pour rien ? Tu parlais aussi d’aller droit au but. Ça veut dire qu’en général, la com’ qui est faite, c’est un peu une com’ de l’égo, une com’ des paillettes ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Il y a plusieurs choses dans tes questions. Déjà, quand tu dis : on écrit pour rien. Je n’ai pas de chiffres sur l’emailing. Mais je peux juste te donner d’autres chiffres qui datent de 2018. Ahref a fait une étude qui prouve que 90% des pages du Web n’ont aucun trafic. Ça veut dire qu’il y a seulement 10% de ce qui est en ligne qui est lu. Donc déjà, nous, les communicants, les producteurs de contenu, on peut se poser la question : quel est l’intérêt de ce que je fais ? Ça sert à quoi de publier des infos non lues ? Autre chose, par rapport à la charge mentale, il y a une récente enquête de la Fondation Jean Jaurès qui montre que 53% des Français souffrent de charges informationnelles. Et face à cette obésité informationnelle, il y a 72% des gens qui arrêtent de consulter les informations. Encore une fois, nous, les producteurs de contenus, il faut qu’on s’interroge parce qu’on est responsable de l’invisibilité de nos messages. Parce qu’à force de trop communiquer, les gens saturent, et tu le disais toi-même avec les emailing non lus.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Il y a vraiment cette notion de charge mentale à prendre en compte. Pour info, un observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique a été créé il y a deux ans. C’est quand même un petit signe qui a un souci en termes d’information. La deuxième partie de ta question, c’était sur la notion de communication de l’ego et de la communication paillette. Effectivement, il y a quand même un héritage en communication de cette com’ paillette. D’ailleurs, la com’, on la représente avec un haut parleur… Du coup, tout le monde se dit : Il faut que je communique, il faut que j’en fasse des tonnes. Après, il ne faut pas oublier que souvent dans les organisations, la com’, c’est infusible. Donc, s’il y a un problème, on dira : c’est la faute de la com’, ils n’ont pas assez communiqué. Donc, les communicants se disent: OK, je vais vraiment relayer de l’information, comme ça, on ne pourra pas dire que s’il n’y a personne à l’événement, c’est de mon fait. Alors qu’en fait, peut-être qu’il n’y a personne à l’événement parce qu’il est mal ciblé, parce que que ce n’était pas une bonne date, que le sujet n’intéresse pas, etc.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Il y a vraiment ce souci-là qui a entraîné cette sur-communication. Et c’est vrai que la tendance à parler de soi en communication, elle est vieille comme le monde. Là, l’objet, c’est vraiment de se dire plutôt comment je vais me mettre au service de mon public et lui apporter ce dont il a besoin.

Marion Duchatelet – Badsender
Ça veut dire qu’on fait fausse route ? Les entreprises ou les organisations, quand elles écrivent, elles se plantent dès le début ? On a la pression des concurrents qui font beaucoup de bruit, donc on se dit : Nous aussi, on doit communiquer. Ça veut dire qu’on se plante dès le début ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Comme tout le monde se dit: Il faut communiquer. Dans les écoles, on biberonne les étudiants au calendrier éditorial. Si je regarde les autres, ils communiquent beaucoup, alors il faut que je fasse pareil. Mais tout ça, au final, c’est un peu puéril. Pour moi, c’est un modèle assez toxique. L’idée, c’est de se poser et de se dire: L’entreprise, elle a son business d’abord. C’est ça qui prime, et ensuite, elle communique. Mais ce n’est pas l’inverse. Parfois, on voit des boîtes qui se créent, elles ont un plan de com qui est déjà établi alors que même leur preuve de concept ne l’est pas. Il faut remettre les choses un peu à leur place. Pour moi, la com, elle est au service de la stratégie, au service de l’entreprise. Elle ne doit pas prendre le dessus. Aujourd’hui, comme il y a une facilité d’utilisation des outils, tout le monde communique partout et tout le temps.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
On oublie que c’est un métier, que c’est une expertise. Et en fait, je pense que c’est important aussi de redonner à la com sa place stratégique. Parce que le communicant, la personne du marketing, n’est pas quelqu’un qui est comme un singe derrière une télé, comme un singe et qui attend des likes. Il faut redonner un peu plus de stratégie là-dedans. Tu parles de fausse route, oui, à mon avis, ce qui est important, c’est au démarrage de se poser vraiment la question et de regarder ce qui est efficace. J’accompagne régulièrement des entreprises qui décident de réduire la voilure en com. Ça n’a pas bouleversé leurs business models. Par contre, ça a vachement soulagé les communicants et ça a rendu la communication plus pertinente.

Marion Duchatelet – Badsender
Si demain, tu devais conseiller à une organisation qui aurait fait fausse route et qui se serait un peu emballée dans la com. Qu’est-ce qu’elle doit faire pour se poser ? C’est quoi les premières étapes ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
C’est de construire ses essentiels. Qu’est-ce qui sert mes objectifs de communication ? Qu’est-ce qui sert les enjeux de mes publics ? Comment je réponds à leurs besoins ? Qu’est-ce que les publics attendent de moi ? Et puis après, on peut interroger les personnes en charge des contenus. À votre avis, qu’est-ce qui serait intéressant de supprimer ? Qu’est-ce qui vous coûte du temps de production et qui ne rapporte rien ? Est-ce que c’est possible de le supprimer ? Ensuite, on va aller vérifier les attachements. Est-ce qu’il n’y a pas un service qui est attaché à ce qu’on communique ça ? Ça demande un accompagnement au changement de se concentrer sur les essentiels. Et puis, d’y aller pas à pas. Je vais me dire: OK, peut-être cette année, je vais en faire moins, je vais me concentrer là-dessus. Peut-être que d’ici deux ans, je vais essayer d’enlever telle et telle information. Puis, y aller pas à pas, faire des tests. L’idée, quand je dis de supprimer du contenu, ce n’est pas d’arrêter de communiquer, c’est vraiment de se concentrer sur ce qui est stratégique et ce qui me sert.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Heureusement, aujourd’hui, avec des statistiques, c’est quand même assez simple de se rendre compte de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Attention, ce n’est pas parce qu’un contenu est peu visité qu’il faut le supprimer. C’est peut-être parce que je n’ai pas pris le bon angle. Peut-être qu’il faut que je l’améliore.

Marion Duchatelet – Badsender
Est-ce que ça veut dire de repartir sur l’expertise et ce que vend l’entreprise ? Est-ce que ça veut dire aussi de se poser la question de qui est ma cible et quelles sont leurs préoccupations, quels sont leurs enjeux, leurs challenges et en quoi mon entreprise peut les soulager dans leurs enjeux ? C’est ça que ça veut dire quand tu dis les essentiels ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Complètement, oui, sur les fondamentaux. Comme d’hab, on revient toujours sur le bon sens, les fondamentaux, le concret, sur ce qui apporte vraiment quelque chose en plus. Tu vois sur LinkedIn cette vague de publications égo-centrées. À part rassurer les personnes qui les envoient, ça n’apporte rien.

Marion Duchatelet – Badsender
Oui mais ces posts ont parfois plein de likes. Alors qu’un post un petit peu plus long, avec beaucoup plus de réflexion, un peu ingénieux, va en récolter une vingtaine. Quand on voit ça, on se pose la question de : est-ce que revenir sur les essentiels, c’est ce qui marche ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Ce que tu dis, je l’ai déjà constaté. Effectivement, parfois, tu vas travailler en profondeur un post, puis ça va être un bide. Du coup, c’est assez déceptif. Ça m’est déjà arrivé de publier des trucs en étant un petit peu énervée, sur la notion d’arrêter de publier pour ne rien dire. Et par contre, ce post-là, a fait très rapidement des envolées en termes d’impression. C’est très étonnant. C’est parfois même très frustrant, parce qu’on ne va pas vraiment comprendre ce qu’il se passe. Moi, j’essaie vraiment d’être sur une ligne de communication à haute valeur ajoutée. Il y a des fois, effectivement, je vais constater des baisses ou des hausses dans les posts sans comprendre. Du coup, moi, je préfère garder une même ligne de conduite qui permet de donner au moins une cohérence.

Marion Duchatelet – Badsender
J’ai noté plusieurs choses quand tu as parlé. Tu disais tout à l’heure que certains sujets récoltent beauoup de likes. D’autres moins. On le constate beaucoup de notre côté. En ce moment, quand tu parles d’IA, c’est incroyable, il y a plein de likes. Alors que quand tu parles de quelque chose de beaucoup plus profond, qui est censé être la préoccupation de toute entreprise, tu attires beaucoup moins de monde. Ma question est la suivante : quand tu es une entreprise engagée et convaincue que demain, il faut passer par la sobriété. Est-ce qu’il faut se dire: Vu que l’IA fait partie de la préoccupation des organisations, il faut que je fasse quand même du contenu qui parle d’IA. Ou non, je persiste à faire du contenu sur la sobriété, même si j’ai 20 likes versus 200.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Il faut vraiment de rester droit dans ses bottes. C’est vrai que le sujet que tu évoques, est parfois rageant parce qu’on voit un engouement débile pour l’IA. Moi, j’aurais tendance à écrire un article de fond sur l’IA en montrant tous les dessous. Les problèmes de la consommation en eau, des travailleurs du clic derrière qu’on oublie totalement. C’est pas de l’intelligence artificielle, mais c’est de l’information artificielle. J’aurais tendance à écrire un contenu plutôt explicatif et de fond sur le sujet. Je pense qu’on peut essayer de partir d’où en est notre public pour l’amener vers là où nous on en est. Je me mets dans l’état où on est mon public et j’essaie de lui montrer autre chose. Pour moi, c’est hyper important de rester droit dans ses bottes et de ne pas céder aux sirènes. ‘est important de rester sur un côté qualitatif.

Marion Duchatelet – Badsender
Oui, donc il y a un côté garder le cap et ne pas céder au clic de court terme, alors que même si tu en as moins sur des posts plus ingénieux, tu laisses une marque plus importante dans la tête des gens et du coup, sur le long terme, c’est bénéfique. Donc, on est toujours dans le même dilemme, court terme versus long terme.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Ouais, et ce que je remarque avec les notions de sobriété éditoriale, c’est de rester vraiment sur une ligne directrice axée valeur ajoutée. Ce que j’ai remarqué, c’est que les temps de conversion prospect sont vraiment raccourcis. Parce que les personnes qui te suivent, elles savent pourquoi elles te suivent et quand elles sont prêtes à passer à l’aide et à travailler avec toi, c’est des temps qui sont beaucoup plus raccourcis. Quand tu travailles sur les fondamentaux, tu cibles encore plus ton cœur de prospect, ta niche, et du coup, c’est bien plus efficace plutôt que de faire une communication un peu ventre mou qui s’adresse à tout le monde sans s’adresser à personne. Pour moi, il y a vraiment ces notions-là. C’est finalement, au lieu d’envisager la com avec un haut parleur, c’est plutôt comme quelque chose de très, presque de chirurgical, finalement.

Marion Duchatelet – Badsender
Aujourd’hui on veut lire des contenus de manière rapide, on les lit en diagonale. Même en emailing, il faut convaincre son audience en moins de trois secondes, sinon les gens quittent l’email. Donc, on pousse vraiment, nous, à la hiérarchisation des informations. Je vois aussi que c’est une bonne pratique qui est dans ton livre. Ça veut dire quoi pour toi, hiérarchiser correctement ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
C’est une structuration. Hiérarchiser l’information, c’est d’abord aller sur l’information principale, puis sur les informations secondaires. Là, je parle de la notion de pyramide inversée. Je ne suis pas si sûre qu’on lise moins. Je pense qu’on lit toujours mais qu’il y a effectivement différentes manières. Quand on fait de la recherche, on va scanner pour vérifier si ou pas ce contenu mérite que je passe du temps. Mais par contre, je prendrai le temps d’aller lire d’un bout à l’autre des newsletters de qualité parce que je sais qu’à chaque fois, c’est des articles qui sont très pertinents. Pas toutes les semaines, parce que là, ça peut être compliqué, on n’a pas forcément le temps de tout lire.

Marion Duchatelet – Badsender
Pour toi, on lit d’abord en diagonale pour se rassurer, on vérifie que les titres correspondent bien à du contenu de qualité et après, on lit en profondeur. On lit en deux temps ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Par exemple, certaines newsletters, je les garde dans ma boîte mail parce que je vais vraiment prendre le temps qu’il va falloir pour les lire. Et d’autres, quand je ne suis pas si sûre, je vais les lire en diagonale et puis en fonction, je la garde ou pas. Ça va vraiment dépendre du contenu et aussi de l’aura de la personne qui l’envoie. Je ne sais pas si tu lis la quadrature du net le lundi matin, je sais que je vais prendre du temps pour la lire parce que c’est un article de qualité qui ne se lit pas facilement, mais je sais que j’en ressors grandi.

Marion Duchatelet – Badsender
On a parlé au début de de langage clair, accessible au plus grand nombre. On a dérivé un peu sur le fait qu’il faut aussi faire du contenu qui soit utilisable pour les personnes qui ont des déficiences visuelles ou neuroleptiques. Mais quand on dit aux entreprises qu’il faut faire des emails avec du contenu accessible, ça fait souvent débat. Un CTA « Youpi » par exemple et moins explicatif mais plus fun qu’un CTA explicatif. Même chose quand on parle d’inclusivité et notamment de l’écriture inclusive. Ils disent que c’est trop politique, ils trouvent ça moins tendance, ils ont l’impression d’être bridé dans le design. Ils disent que ça ne doit pas concerné grand monde dans leur base de données. J’aimerais bien t’entendre là-dessus.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
L’accessibilité, ça concerne le code, les couleure, la capacité à lire le message, toute la manière de hiérarchiser l’information. Ça va s’appuyer sur un langage clair. Après, si mon objectif est de faire rêver, je reprends ton exemple. Est-ce que tu peux pas faire deux niveaux de langage : « youpi », pour ton CTA, et puis cliquer ici pour plus d’informations avec quelque chose de plus explicatif, est-ce qu’on peut déjà essayer de marier les deux approches. Je pense que tant qu’on n’est pas personnellement concerné, beaucoup de personnes se mettent à l’écart, ne veulent pas considérer qu’il y a des personnes qui peuvent être en déficience visuelle, déficience même au niveau de la navigation. Après, quand on parle d’accessibilité, il y a aussi des réalités. Moi, j’habite en zone rurale et au début, j’avais des problèmes de débit. Et en général, toutes les interfaces sont faites sur des écrans énormes, avec du haut débit, etc. Rapidement, on se rend compte à quel point c’est important, de suivre les règles d’éco-conception et d’accessibilité pour avoir un contenu qui se charge facilement, quel que soit le débit. Parce que finalement, on peut tous être handicapé : quand on regarde une information sur un portable et qu’il y a le soleil dessus, c’est un handicap. Je pense que c’est effectivement important qu’il puisse y avoir une plus grande prise en compte et connaissance des entreprises sur le sujet pour que ça permette d’accompagner les choix.

Marion Duchatelet – Badsender
Oui, c’est plus de les convaincre. Là où moi, j’ai du mal à me positionner, c’est est-ce que tu dois convaincre parce que toi, tu es convaincu que ça va dans le bon sens ou tu acceptes d’entendre en face: Oui, mais ça ne concerne que trois ou quatre personnes.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Après, ça dépend. À quel moment, toi, tu es capable de dire: OK, ce projet ne m’intéresse pas. Et du coup, quand tu parles de conviction, à un moment, c’est comment se positionner. Moi, ce que je trouve amusant, c’est toutes les boites qui parlent de RSE, etc. Moi, je dis toujours: Dans ces cas-là: Allez jusqu’au bout dans tous vos outils dans tous vos outils numériques et soyez super alignés. Je pense qu’il y a peut-être des arguments comme ça aussi à mettre en place. Après, quand tu dis: Est-ce qu’on doit convaincre ? On ne fait jamais boire un homme qui n’a pas soif. Après, c’est vraiment comment tu te positionnes ? Est-ce qu’à un moment, tu peux dire: Je ne me sens plus en phase avec ce projet, j’arrête. Et du coup, est-ce que ça ne peut pas faire un tilt chez le client ?

Marion Duchatelet – Badsender
Et sur cette notion d’inclusivité, je pense que c’est encore mal connu. L’écriture inclusive ce n’est pas uniquement le point médian. Est-ce que tu peux nous expliquer un peu comment tu vois les choses ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Effectivement, tout le monde se focalise sur le point médian, qui fait que ça cristallise les débats. Effectivement, le point médian, il y a pas mal d’études qui montrent que c’est complexe à lire pour des personnes qui ont des soucis de dyslexie et autres. C’est 10% de la population en France quand même. Du coup, en écriture, ce qui est plus souvent proposé, c’est par exemple d’utiliser des formules épicènes, c’est-à-dire qu’au lieu de mettre « né(e) le », on écrit date de naissance. Ça peut être une bonne manière d’aborder le sujet. Après, effectivement, moi, tu l’aurais compris, ce qui va primer, c’est le langage clair. Donc, j’ai plutôt tendance à essayer de chercher à clarifier l’information. La langue française est déjà assez complexe. Cette écriture inclusive n’est pas arrivée à maturité aujourd’hui. On voit bien tous les débats que ça apporte. Moi, ce que j’ai proposé à certaines entreprises, c’était vraiment plutôt d’aborder clairement leur positionnement par rapport à l’égalité homme femme dans les salaires ou l’inclusion de personnes de différents genres. Je n’ai pas de réponse clairement tranchée. Je pense qu’il faut que ce soit toute l’entreprise qui soit convaincue d’utiliser une écriture inclusive, et qu’à ce moment-là, il y a vraiment des règles à mettre en place en se disant: On fait ci, on ne fait pas ça.

Marion Duchatelet – Badsender
Qu’est-ce que tu penses de l’utilisation des emojis, des gifs animés, des vidéos qui sont peut-être hyper tendance et dont les communicants raffolent ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
En fait, moi, je vais te répondre avec mon regard de l’éco-conception, avec les trois U, est-ce que c’est utile ? Est-ce que c’est utilisable ? Est-ce que c’est utilisé ? En accessibilité, ce n’est pas très utilisable parce que ce n’est pas très fun quand il y a un emoji qui est lu. Ça peut vraiment brouiller le message d’un post. On doit les éviter si on peut. Après, si vraiment on n’arrive pas à les éviter, c’est d’essayer de le faire avec parcimonie, de les mettre en fin de message, parce que comme ça, ça ne brouille pas le contenu du message, mais pas au début ni au milieu. Ne pas en mettre plusieurs à la suite, éviter de remplacer un mot, une ponctuation, un chiffre par un emoji, parce que sinon, ça peut vraiment brouiller la compréhension. Et s’assurer que le message ait du sens sans emoji. C’est ce que j’aurais tendance à proposer.

Marion Duchatelet – Badsender
Et sur les gifs animés ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Pareil. Et puis, en plus, ça va surcharger le poids d’une page. Donc, quelqu’un qui est en bas débit, on en parlait tout à l’heure, ça va surcharger la page pour quelque chose qui n’apporte rien.

Marion Duchatelet – Badsender
J’ai bien aimé tout à l’heure quand tu as parlé d’alignement avec les engagements RSE. Parce que si ta communication et ton marketing sont alignés avec la page RSE de ta boite, qui se dit inclusive, qui se dit prendre en compte tout le monde, etc, la boite va gagner en crédibilité. Donc tu peux te permettre de répondre à tes supérieurs ou à tes collègues de dire : si vous me demandez d’aller vers plus de tendance, plus de comme paillettes, on n’est pas aligné avec ce qu’on dit sur notre page RSE.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Complètement. Et puis, je crois qu’en fait, il faut aussi arriver à s’affranchir de ce que font les autres. L’invitation de la sobriété éditoriale, c’est de faire un pas de côté et de regarder les choses un peu différemment. J’ai juste un partage à faire. J’ai participé à un défi accessibilité sur LinkedIn. Lors de la Journée mondiale de l’accessibilité, l’objectif était d’envoyer un postqui donnait des bonnes pratiques sur l’accessibilité. Donc, j’avais plusieurs contraintes. Pas d’émoji, pas de ligne vide, etc. Et puis, l’idée aussi, c’était avec le lien que je faisais de ne pas mettre d’images. C’est vrai que moi, on m’a toujours dit: S’il n’y a pas d’images, il ne sera pas vu, etc. Mais du coup, je me suis dit: Tiens, je vais le faire sans image et franchement, le nombre d’impressions, il est tout à fait honorable, il n’y a eu aucun souci. Donc en fait, ça m’a vraiment décomplexé par rapport à l’utilisation de l’image. Parce que finalement, si ton post est pertinent, si les gens qui ont l’habitude de te suivre, ils savent que ce que tu écris, c’est intéressant. Ils continuent.

Marion Duchatelet – Badsender
Oui lais par exemple, comment je fais pour convaincre celui qui ne nous connaît pas encore ? Peut-être qu’il va venir vers nous par cette image.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
C’est un peu à cause du « au cas où », qu’on n’est pas du tout dans des pratiques sobres. Donc, je crois qu’à un moment, il faut arriver aussi à arrêter de vouloir faire de la captation de personnes. En tout cas, il me semble. Et effectivement, pour moi, c’est aussi encore une fois une histoire d’alignement. Si je suis très clair sur mes objectifs, où est-ce que j’en suis. Je mets en place une com en face qui est caractérisée par l’humilité. L’humilité, c’est ni trop ni trop peu, c’est être à la juste place, sans que l’humilité soit vue comme étant du moins, du nul.

Marion Duchatelet – Badsender
C’est quoi les bonnes pratiques autour de l’utilisation de l’image ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Je viens du monde de la rédaction, donc c’est le texte qui prime. Mais moi, j’ai tendance à dire qu’ajouter une image qui a du sens et qui apporte au contenu, oui, c’est pertinent. Ajouter une image purement décorative, je ne suis pas sûre que ce soit utile. Encore une fois, quand on a un article de qualité avec des informations de qualité, on n’a pas besoin d’avoir des images. Par contre, la feuille de style peut être travaillée pour qu’il y ait des rythmes dans la phrase et dans la page. Et ce n’est pas forcément de l’image ou de la vidéo qui amène ces rythmes. Ça peut être vraiment plus un travail de mise en page avec les CSS, de typo, de mise en ligne d’information.

Marion Duchatelet – Badsender
C’est quoi un bon texte alternatif derrière une image utile ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Pour moi, l’idée du texte alternatif, c’est qu’il puisse vraiment permettre aux personnes qui ne peuvent pas voir l’image, peuvent toujours comprendre les informations qu’elle transmet.

Marion Duchatelet – Badsender
Si je reprends l’exemple de la couverture d’un livre, le texte alternatif, ça serait le texte de la couverture de ton livre ?

Marion Duchatelet – Badsender
J’ai deux dernières questions. Comment tu fais pour sensibiliser les entreprises à l’importance de tout ce qu’on vient de se raconter, sachant que ces organisations sont souvent sous staffés, donc ils travaillent toujours comme avant parce que faire différemment, ça prend toujours un peu plus de temps.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
C’est vraiment de faire une sensibilisation sur la notion de sobriété de manière élargie. Parce que finalement, s’il n’y a que le communicant qui est convaincu, mais que son supérieur lui dit: Non, tu fais comme avant, ça ne marchera pas. Donc, il y a déjà ça. Et ensuite, l’idée, pour moi, c’est vraiment de parler d’alignement avec la RSE. En fait, faire de la comm’ responsable, faire du numérique responsable, c’est en faire moins. C’est moins de numérique, moins de contenu, etc. Il y a des retours d’expériences probant qui montrent que, par exemple, quand on supprime du contenu, ça ne va pas du tout faire descendre le trafic du site. Au contraire, ça peut même le booster parce que ça va concentrer le référencement sur des mots clés importants. Mais c’est vraiment de prouver au fur et à mesure, d’y aller par étape. Il faut vraiment le voir comme un accompagnement au changement dans les entreprises. Et puis, effectivement, il y aura toujours des réticents comme toujours, toujours des gens qui seront pour le toujours plus, qui seront pour la solution par la technologie, etc. Ça oui, mais en tout cas, c’est comment petit à petit, on peut faire grossir finalement le nombre de gens convaincus et ce qui permet après de convaincre les autres. Aujourd’hui, je ne vois pas comment on peut faire de la com ou du marketing sans réfléchir à sa manière de produire du contenu. La com à l’ancienne, ça peut aussi mettre des entreprises hors jeu.

Marion Duchatelet – Badsender
Si j’applique ces conseils à des posts de réseaux sociaux ou à de l’emailing, les expéditeurs auront une baisse de chiffre d’affaires. En effet, quand on envoie un email, ça rebooste les ventes. C’est vrai que ça marche. C’est pour ça qu’elles ont tendance à surcharger le planning.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
C’est dur de convaincre. Après, je ne dis pas qu’il faut supprimer toutes les newsletters. Par contre, effectivement, si tu as des newsletters qui permettent de faire monter le chiffre d’affaires, effectivement, ce n’est pas cela qui fait supprimer, c’est les autres qui ne seraient pas utiles. Après, je trouve qu’il y a un bon exemple avec Loom quand elle parle de seuil de rentabilité économique. Est-ce que les entreprises aussi n’auraient pas tendance à se dire: Là, j’ai atteint mes chiffres, je m’arrête, j’arrête de communiquer. Mais tout ça, ça dépend du business model et de la manière dont on veut se positionner par rapport aux limites planétaires. Donc, ça dépasse un peu le cadre de la com et du marketing. Mais il pourrait y avoir aussi ces questions-là, aussi, derrière.

Marion Duchatelet – Badsender
Est-ce que tu pourrais nous citer des organisations qui, pour toi, sont assez exemplaires et qui sont vraiment sur le bon chemin en termes de sobriété éditoriale ?

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Franchement, je n’en ai pas forcément qui me viennent comme ça. J’avais écouré un podcast où Lush expliquait qu’ils avaient arrêté les réseaux sociaux. J’avais trouvé que c’était intéressant et que c’était un joli signe que ce soit une grosse boite comme ça qui le fasse. Après, je vais dire des grands classiques, mais Commown, que je trouve que c’est assez intéressant.

Marion Duchatelet – Badsender
Je te remercie, Ferréole, pour ton temps.

Ferréole Lespinasse – Cyclop Éditorial
Merci beaucoup, Marion. C’était très chouette de prendre ce temps de discussion avec toi.

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