Inventer l’email de demain : avant-après Evaneos

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Plages de sable blanc à perte de vue, hamac à l’ombre d’un cocotier, soleil couchant sur la mer… Nous baignons dans les images et les imaginaires qui rendent irrésistibles le voyage et l’envie de partir loin. Or, entre les émissions de CO2 du transport aérien, la pression exercée sur les écosystèmes par le sur-tourisme et l’exploitation des populations locales, le voyage, tel qu’il est promu et pratiqué, n’est pas viable*. Les voyagistes ont un grand rôle à jouer dans la transition vers un tourisme plus durable : ils doivent réformer leur activité (organiser des voyages plus proches, soutenir les emplois locaux, éviter de faire des circuits “parcs d’attraction”…) mais aussi contribuer à changer les imaginaires pour guider leurs clients vers de nouvelles manières de voyager. Cela implique de proposer de nouvelles représentations, inventer de nouveaux récits et les propager dans toutes les communications, rédaction d’emails commerciaux compris !

Note : Cet article a été co-écrit avec Anne-Laure, Carine et Charlotte de l’agence Déjà Demain, une agence entièrement dédiée aux nouveaux récits, avec laquelle nous avons complètement collaboré pour la rédaction de cet email.

Live : Avant / Après Email commercial Evaneos

Le lien d’accès au live est celui-ci : https://www.youtube.com/watch?v=zD1N8nZ-TMU

Pourquoi avoir choisi un email d’Evaneos ?

Fondé en 2009, Evaneos a vu le jour dans un secteur du tourisme bien différent d’aujourd’hui. À l’époque, on prenait l’avion sans trop se poser de questions. Dès le début, Evaneos a cherché à redonner ses lettres de noblesse au voyage par le sens et l’authenticité et à travailler avec des agences locales pour mieux soutenir les économies des pays visités et préserver leur environnement.

L’objectif d’Evaneos est de promouvoir un tourisme plus responsable vis-à-vis des destinations : le voyagiste s’engage à ce que 85 % au moins du prix du voyage profite aux économies locales et veille à ne pas alimenter le surtourisme. Pour mieux mesurer ce phénomène, Evaneos a créé un index du surtourisme permettant d’identifier les destinations et les périodes de l’année à éviter. Il a ainsi retiré de son offre deux destinations, Mikonos et Santorin, pour les périodes estivales.

Dans le secteur du voyage où l’avion est roi, Evaneos a pris une seconde décision courageuse : supprimer de son catalogue 2024 les “city breaks”, ces séjours de moins de cinq jours vers des destinations lointaines, le plus souvent ralliées en avion.

La directrice de la durabilité chez Evaneos reconnaît que**: « voir des publicités avec des cocotiers peut donner envie de voyager loin”* et qu’ils ont donc “un rôle important à jouer pour changer les imaginaires du voyage ».*

Un vrai défi qu’ils essaient de relever dans leurs campagnes de publicité mais qu’il leur faut encore relever dans leurs emails commerciaux pour aligner leur communication avec leurs engagements.

L’email original de Evaneos à réinventer

Expéditeur : Evaneos
Objet : Ces destinations vont vous plaire
Preheader : Vos inspirations pour un futur départ

Analyse de la rédaction et des imaginaires de l’email Evaneos

D’abord, regardons la promesse au moment de l’inscription à cette newsletter :

Elle nous promet des destinations insolites, des adresses cachées et des tips responsables, le tout pour “faire évoluer notre vision du voyage”.

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Un premier constat : promesse non tenue. Et on va vous dire pourquoi :

  • “Alors, on part où ?” : titre qui crée de l’urgence et banalise l’organisation du voyage. Cela donne une vision du voyage comme bien de consommation courant alors qu’organiser un voyage, ça prend du temps !
  • Le texte du bloc principal : renforce l’idée qu’on ne vit des expériences hors du commun qu’en partant loin. L’énumération, le fait de passer d’une destination à l’autre aussi rapidement, renforce l’idée que l’on peut tout faire, que tout est à notre portée : une vision du voyage incompatible avec les limites planétaires.
  • CTA “plus d’inspiration” : cela contribue aussi à banaliser les destinations qui devraient être exceptionnelles, de l’ordre de la réalisation d’un rêve.
  • Ni dans le titre, ni dans le texte du bloc principal, il n’est mentionné les valeurs du tourisme durable ou responsable, ni même la mention du positionnement d’Evaneos sur le voyager vrai.
  • Pas de trace non plus des tips pour voyager responsable comme la promesse le mentionnait au moment de l’inscription.
  • Visuels : le carrousel inclut certains visuels qui entretiennent le stéréotype de la mer turquoise et de la plage de sable blanc ; quant aux selfies, ils rappellent ceux des influenceurs qui postent sur Instagram des photos à l’autre bout du monde et alimentent ainsi le sur-tourisme (contre lequel Evaneos s’engage).
  • Onglets “Où partir”, “Le concept”, “Destinations” : ces onglets ne sont pas clairs sur la promesse et potentiellement redondants entre “Où partir” et “Destinations”. De plus, au clic sur “Où partir”, on atterrit sur une page 404 (non trouvée).
  • Cet email alimente une vision du voyage bien trop répandue et pas “l’autre vision du voyage” promise. Les imaginaires induits sont incompatibles avec les limites planétaires :
    • l’imaginaire de l’exotisme : toutes les destinations mentionnées sont lointaines et alimentent la norme sociale selon laquelle “voyager, s’évader, c’est forcément aller loin”
    • le culte de la vitesse : dans l’accroche incitant à la prise de décision rapide
    • l’idée du “à faire absolument” : en énumérant les expériences sensorielles (visuelles, gustatives…) des contrées à visiter
    • l’imaginaire du “bon voyageur” qui s’oppose au “mauvais touriste” qui alimente une vision élitiste du voyage

Le constat est malheureusement sévère : en ne questionnant pas le rapport à l’avion ni la nécessité du voyage et, pire, en déculpabilisant ces “touristes d’un autre type”, Evaneos entretient l’illusion que l’on peut continuer à voyager sans se poser de questions.

Analyse de la mise en forme et du design de l’email

  • Le preheader est visible à l’ouverture du message. On pourrait le rendre invisible à l’ouverture pour gagner une ligne en hauteur.
  • Le lien de désinscription est présent dès le header de l’email, ce qui est une excellente pratique (qui est encore assez rarement répandue pour le souligner). Mais le lien est non explicite (ce qui ne respecte pas les bonnes pratiques d’accessibilité) : il aurait fallu mettre le lien derrière “Vous désinscrire”.
  • Placer “Mon compte” à gauche est surprenant. Les informations ce ce type se placent souvent à droite du logo et non à gauche.
  • Le gif animé du bloc principal fait plus de 4Mo. Alors que nous recommandons de limiter le poids d’un gif entre 1 et 2 Mo pour garantir un chargement rapide.
  • Le texte est centré, il devrait être ferré à gauche quand il fait plus de 3 lignes pour une meilleure lisibilité (pour respecter encore une fois les bonnes pratiques d’accessibilité) et une volonté de rendu plus premium.
  • Il manque des espaces insécables, on a des “?” qui passent à la ligne en version mobile.
  • Présence d’un carrousel : le support d’un carrousel en emailing n’est assuré que dans 54% des cas. Bien que la version de repli soit acceptable, le carrousel pose plusieurs problèmes :
    • Accessibilité : il détourne des balises HTML, rendant la lecture difficile pour les personnes malvoyantes utilisant des lecteurs d’écran.Éco-conception : il nécessite beaucoup de lignes de code supplémentaires pour la version de secours.Expérience mobile : même si le swipe est bien perçu, on perd systématiquement un des 3 contenus sur mobile. Dans ce cas, quel est donc l’objectif du carrousel ? Est-il vraiment indispensable ? Si non, pourquoi l’utiliser ?
  • Footer :
    • Rédaction ne respectant pas les bonnes pratiques d’accessibilité : présence de liens non explicites comme « cette page » et « cliquez ici ».
    • Mention très appréciable des crédits photos !

Comment repenser l’email d’Evaneos ?

Choisissons d’abord un angle qui aligne la communication sur les engagements d’Evaneos et qui répond à la promesse initiale de la newsletter.

  • La saison : les destinations du moment en se basant sur l’index du surtourisme, sur le soutien à l’économie locale et sur l’expérience du voyageur ? angle de la responsabilité vis-à-vis des économies locales. Ex. Où partir cet hiver ? mais derrière cette question, des destinations peu visitées qui permettent aux populations locales de vivre toute l’année.

OU

  • Le mode de transport : A pied / A vélo / En train ? angle de la responsabilité environnementale (voyage bas carbone) en rendant désirable le fait de “vivre le voyage” : le voyage commence dès franchi le pas de sa porte et les voyages à pied, à vélo et en train permettent une découverte plus authentique

OU

  • Les circuits ou le type de voyage (nature/culture/gastronomie) : prendre le temps de l’immersion dans la culture locale, accepter que le transport fasse partie du voyage avec des exemples de destinations accessibles en train, de circuits à vélo ou à pied ? angle de l’immersion (slow travel)

OU

  • La durée : J’ai 5 jours (voyage proche) / J’ai 2 semaines / J’ai 1 mois ? angle plus pédagogique pour proposer des destinations adaptées à la durée

OU

  • Les destinations mais sous l’angle du voyage d’une vie “Et vous, vous l’imaginez où votre voyage d’une vie” / “Et vous, quel est votre rêve de voyage”

Nous avons fait le choix du 3e angle, celui du slow travel. Pourquoi ? Parce que le dernier trimestre de l’année est souvent très intense, l’insight “arrêter de courir et passer en mode slow” peut donc susciter la curiosité et rendre ce type de voyage désirable.

Listons les messages à faire passer

  • Inviter à se questionner sur le mode de transport utilisé : l’avion est 20 à 50x plus émetteur de CO2 que le train. Et c’est un mode de transport très élitiste : 1 % de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions de CO2 du transport aérien.
  • Inviter à se questionner sur la destination (sur-tourisme) : d’après l’Organisation Mondiale du Tourisme, 95 % des touristes se massent sur 5 % des terres émergées et 10 destinations à elles seules attirent la moitié des touristes ! Ce qui dégrade l’expérience du voyageur et a un impact négatif sur les écosystèmes et les populations locales. L’une des solutions peut être de mettre en avant des destinations peu connues mais qui créent des expériences fabuleuses.
  • Inviter à se questionner sur la date de départ : Evaneos indique pour chacune des destinations quels mois de l’année sont plus propices au voyage. L’objectif est d’éviter le sur-tourisme (que tout le monde parte au même moment) mais aussi de vivre une belle expérience.
  • Inviter à se questionner sur le rapport durée des vacances/distance parcourue : un seul vol long courrier fait exploser le budget carbone annuel cible (2 tonnes/par personne/par an). L’une des solutions est donc d’inciter à voyager plus longtemps si la destination est lointaine (donc éviter de partir en long courrier pour passer 1 semaine sur une plage). Montrer que voyager est un projet qui se prépare et non un bien de consommation que l’on achète sur un coup de tête. Il faut arriver à créer d’autres réflexes : prendre moins l’avion mais mieux, prendre du plaisir à préparer son voyage (le sur-mesure l’incite) et, pour les destinations proches, prendre le train en demandant à son entreprise de mettre en place le TTR (temps de trajet responsable), qui offre des jours en plus pour voyager en train plutôt qu’en avion.
  • Inviter à se questionner sur l’authenticité de l’expérience. La tendance actuelle est à la rentabilisation du voyage : nombre d’activités par rapport au temps. Donc on remplit ! Or pour vivre une expérience authentique, s’évader et découvrir, mieux vaut prendre le temps. Là encore, tout est une question de représentations : le langage utilisé, les tournures de phrase mais aussi les visuels. Représente-t-on un voyage immersif et authentique en montrant des selfies de voyageurs ?
  • Avec quel impact au local ? Se questionner sur les emplois locaux, l’impact sur la biodiversité (ex. ne pas faire visiter des lieux dans lesquels on exploite des animaux et qui ont été créés juste pour le tourisme) et les populations (les principaux émetteurs sont les populations les plus aisées, tandis que les premières victimes des conséquences du changement climatique sont et resteront des personnes qui ne seront pour la plupart jamais montées dans un avion)
  • Expliquer pourquoi la compensation carbone n’est pas une solution et ne doit pas être un moyen de s’exonérer de toutes ces questions.

La singularité d’Evaneos : créer sur mesure des séjours authentiques qui soutiennent l’économie locale.

Evaneos a des singularités qui méritent d’être bien plus mises en avant :

  • Les “local heroes” : Evaneos met directement en relation avec des agences locales sélectionnées selon des critères spécifiques : expertise de la destination, professionnalisme, réactivité, francophonie, prix, engagement pour un tourisme plus responsable, flexibilité, etc.
  • Le 100 % sur-mesure : tout est modulable et co-construit avec l’agence locale, les étapes, l’hébergement, les activités.
  • L’engagement à voyager mieux en préservant les écosystèmes locaux et en soutenant les économies locales avec un prix juste pour les voyageurs et pour toutes les personnes qui contribuent à la réussite du voyage.
  • La garantie Evaneos de la préparation jusqu’au retour : plus de 600 000 personnes ont voyagé avec les partenaires Evaneos depuis 2009. Avec une note de 4,8/5 en moyenne sur Trustpilot.
  • Evaneos 1er voyagiste certifié BCorp.

Résultat final : l’email de Evaneos réinventé

Expéditeur : Evaneos
Objet : Et si on arrêtait de courir ?
Preheader : Ces destinations où le temps s’arrête…

Conclusion

Pas facile de promouvoir de nouveaux imaginaires quand le cœur du business est aussi dépendant de l’avion. Mais c’est possible ! Faire un petit pas de côté, sortir de l’imaginaire des plages du bout du monde, rendre des destinations plus proches désirables, suggérer des comportements plus responsables sans culpabiliser, c’est déjà aller dans le sens de l’éveil des consciences.

Références

Soutenez l'initiative "Email Expiration Date"

Brevo et Cofidis soutiennent financièrement le projet. Rejoignez le mouvement et ensemble, responsabilisons l’industrie de l’email face à l’urgence climatique.

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